Egalité hommes-femmes
Le Conseil national est entré en matière lundi pour qu’une loi contraignante soit instaurée afin qu’à travail égal, hommes et femmes reçoivent un salaire égal. La décision est tombée à l’issue d’un débat houleux et au bénéfice d’une courte majorité

«L’entrée en matière sur la loi sur l’égalité salariale est acceptée par 107 voix contre 85, avec 2 abstentions.» Le graphique du parlement s’affiche sur les écrans du Conseil national pour montrer un résultat serré. La gauche de l’hémicycle est d’un seul bloc vert: oui. La droite est plus divisée: Principalement rouge du non de ses députés, le camp bourgeois est émaillé de plusieurs pixels de couleur adverse. Des femmes, comme Isabelle Moret (PLR/VD), Céline Amaudruz (UDC/GE) ou encore Alice Glauser (UDC/VS), mais aussi des hommes, comme Jacques Bourgeois (PLR/FR) ou Philippe Nantermod (PLR/VS) ont fait dissidence. Si le vote final n’a pas encore pu avoir lieu pour cause de manque de temps, l’entrée en matière du Conseil national augure de l’avènement d’un texte emblématique: une loi contraignante sur l’égalité salariale.
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Deux mondes s’affrontent
Dans la Constitution depuis trente-sept ans et au bénéfice d’une loi d’application – facultative – depuis vingt-deux ans, l’égalité salariale et la nécessité d’une nouvelle loi contraignante la concernant ont donné lieu à des échanges musclés au Conseil national. Le projet débattu est le suivant: l’obligation pour toutes les entreprises d’au moins 100 collaborateurs de sonder leur politique salariale tous les quatre ans, de faire analyser leur résultat par un tiers et d’en informer leur personnel. Représenté dans ce dossier par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, le Conseil fédéral souhaitait tout d’abord placer la barre à 50 employés. Après un premier renvoi en commission, le Conseil des Etats a toutefois revu ses ambitions à la baisse pour fixer le seuil deux fois plus haut: 100 employés. Ce ne sont ainsi que 0,85% des entreprises du pays – représentant moins de la moitié des employés (45%) – qui seraient impactées par cette nouvelle obligation.
Pour obtenir une chance de majorité auprès de la majorité bourgeoise, cette nouvelle loi a également été assortie d’une rare clause d’extinction: douze ans. Si une inégalité est décelée, aucune sanction n’est par ailleurs prévue contre les employeurs. Ces deux derniers points doivent toutefois encore faire l’objet de discussions ce mardi. C’est donc sur un «compromis du compromis» peu contraignant – mais à haute valeur symbolique – que se sont prononcés les députés lundi.
La gauche comme la droite n’ont pas hésité à critiquer ouvertement le texte mis en consultation. «Mou, modéré et maigrichon», selon le socialiste Mathias Reynard (VS). «Cher et inutile», selon l’UDC bernoise Nadja Pieren, pour qui «si une différence salariale est constatée au sein d’une entreprise, il faut en discuter à l’interne». Hochement de tête des partis de gauche. «Mais imaginez seulement que la situation soit inverse!» a apostrophé ses collègues la Bernoise Aline Trede (Verte), avant de lire quelques savoureux passages tirés du débat parlementaire de 1971 sur la question du vote des femmes. Pas suffisant pour convaincre son collègue UDC Mauro Tuena (ZU), qui a profité de son passage à la tribune pour fustiger l’étude du bureau de l’égalité de la Confédération sur les inégalités salariales: «De la propagande de gauche financée par les contribuables suisses!»
Contre le «mépris» des femmes
Les chiffres de l’inégalité sont les suivants: en moyenne, une femme suisse gagnerait 7000 francs de moins par année, 585 francs de moins par mois, que ses homologues masculins. «Actuellement, les femmes devraient travailler jusqu’au 22 février 2019 pour gagner le salaire 2018 d’un homme», a souligné Mathias Reynard (PS/VS), avant de projeter qu’au rythme de la réduction des écarts salariaux actuels «l’égalité serait atteinte dans 60 ans». La formule facultative ne fonctionne manifestement pas, a tranché Simonetta Sommaruga. «Les employeurs ont demandé à appliquer une loi sur l’égalité salariale sans que l’Etat n’intervienne, ce qui leur a été accordé. Mais cela n’a pas marché.»
La conseillère fédérale a reconnu que le projet de loi actuel, accueilli de manière mitigée par la gauche comme par la droite, n’était pas optimal. «Mais il installera au moins une certaine transparence. Ce qui est libéral», a-t-elle ajouté à l’intention de la droite. Interpellée sur les chiffres exacts de la discrimination, qui varient selon les études, la socialiste a simplement répondu que lorsqu’un écart salarial inexpliqué était constaté, les femmes étaient systématiquement touchées. «Refuser ce projet de loi, a-t-elle conclu, tiendrait à soutenir une forme de «mépris» de la société pour les femmes.» L’examen du projet se poursuit ce mardi.