La montagne tient le coup. Voilà comment résumer l’état actuel de la falaise – située au-dessus du village de Brienz, dans le canton des Grisons – qui menace de se détacher. Aussi appelé «Insel», ce pan de la montagne qui contient 1,9 million de mètres cubes de roches ne s’est toujours pas effondré depuis le départ des habitants il y a exactement une semaine.

Sur place, la situation s’est toutefois accélérée avec le passage en «zone rouge», dernière étape avant la «zone bleue» qui pourrait être déclenchée environ 24 heures avant l’éboulement. «On activera ce niveau d’alerte uniquement si on voit qu’un grand volume de roche peut se détacher, assure Christian Gartmann, chef de la communication de la commune d’Albula et spécialiste en gestion de crise. Ensuite, les routes de Tiefencastel à Lenzerheide ainsi que la ligne ferroviaire Albula seront fermées.»

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«Il ne faut pas tout inventer pour faire du spectacle»

Depuis vendredi dernier, les chutes de pierres se sont intensifiées, poussant certains médias à se demander si l’éboulement avait débuté. «Il ne faut pas tout inventer pour faire du spectacle, calme le responsable de la communication. Les chutes de pierres que vous avez pu voir ces derniers jours (vidéo ci-dessous) sont certes impressionnantes à cause de la poussière qu’elles occasionnent, mais nous en avons eu des centaines de ce type.»

Ces derniers jours, la surveillance de «l’Insel» s’est accentuée avec «une douzaine» de spécialistes qui surveillent le site continuellement. Ce vendredi, des guides de montagne ont fixé de nouveaux miroirs réflecteurs sur la roche, pour analyser en détail sa vitesse de déplacement au laser. Géologue à l’Office des forêts et des dangers naturels du canton des Grisons (AWN) et responsable de l’organisation du système d’alerte précoce de Brienz, Andreas Huwiler estime que le sort de ce petit village de montagne sera connu dans les trois à vingt prochains jours.

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Pour le moment, le scénario le plus probable reste celui d’une multiplication de chutes de pierres [plus massives que celles qui sévissent actuellement, ndlr]. «C’est à la fois le meilleur scénario, car les habitations ne seraient pas impactées, et celui qui peut durer le plus longtemps», résume le géologue qui évoque, dans ce cas, plusieurs mois sans que les habitants puissent regagner leur logement. «Sinon, il est également possible que «l’Insel» glisse comme une coulée de débris en se déplaçant de plusieurs mètres par jour sur de très grandes distances. Dans ce cas, le village serait très probablement partiellement détruit.» Pour rappel, la dernière option, la moins probable, est celle d’un glissement de terrain complet avec près de 2 millions de mètres cubes de roches qui s’effondreraient jusqu’en plaine et détruiraient tout sur leur passage.

40 millions pour sauver le village

Meurtris par cette situation, certains habitants de Brienz ont demandé à la commune s’il était possible d’activer par de la dynamite l’éboulement de «l’Insel», afin de pouvoir être fixé rapidement sur le sort de leur village de cœur. «Il n’est techniquement pas possible de faire exploser ce pan de la montagne. Les travaux de forage qui seraient nécessaires pour un dynamitage réussi prendraient des années, voire des décennies, et seraient beaucoup trop dangereux», témoigne Andreas Huwiler

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A noter encore que le parlement a approuvé en 2022 un prêt de 40 millions de francs pour la construction d’un tunnel de drainage afin d’éviter que ce fief des Grisons ne soit enseveli par la montagne. «Les travaux de construction doivent faire l’objet d’un appel d’offres à l’été 2023 et nous espérons qu’ils pourront commencer au printemps 2024», contextualise Andreas Huwiler. Si ce n’est pas trop tard, cette solution garantirait durablement l’avenir de Brienz.