A Bruxelles, un déjeuner épicé pour Hans-Rudolf Merz
Suisse
Le président de la Confédération participe ce mardi à Bruxelles au déjeuner des ministres des Finances de l’Union européenne. Sur le papier, la crise financière mondiale sera au menu. Mais dans les faits, d’autres plats plus pimentés, comme la fiscalité de l’épargne et le secret bancaire, s’inviteront sans doute à table. Explications
■ Que vient faire à Bruxelles Hans-Rudolf Merz?
Le président de la Confédération participe, à partir de 14 heures ce mardi, au déjeuner annuel entre les ministres des Finances des Vingt-Sept et ceux de l’Association européenne de libre-échange (AELE, composée de la Suisse, de l’Islande, de la Norvège et du Liechtenstein). L’an dernier, Doris Leuthard y avait participé.
L’ordre du jour pour ce déjeuner entre ministres, sans collaborateurs, porte sur les plans de sortie de crise et les déficits publics. Mais tout le monde s’attend à un débat sur les questions fiscales, sur lesquelles les ministres de l’UE ont planché ce mardi matin en présence du Commissaire européen chargé du dossier, le Hongrois Lazlo Kovacs, sans parvenir à un accord. Ce dernier a actuellement deux chantiers majeurs en cours: la révision de la directive communautaire de 2003 sur la fiscalité de l’épargne, et sa proposition d’une nouvelle directive encadrant l’échange futur d’informations fiscales entre les Vingt-Sept.
Or sur ces deux dossiers, la Suisse est à la fois en position d’accusée et d’arbitre. Accusée, car plusieurs pays de l’UE, comme la France, l’Allemagne et l’Italie, n’ont pas abandonné l’idée d’en finir définitivement avec le secret bancaire, même après l’adoption par la Confédération des standards de l’OCDE sur l’échange d’informations fiscales à la demande. Arbitre, car les deux derniers pays de l’UE à pratiquer le secret bancaire, l’Autriche et le Luxembourg, refusent toute concession supplémentaire si la Suisse ne s’aligne pas.
■ Que devrait dire Hans-Rudolf Merz lors de cette rencontre ?
Les questions des Vingt-Sept ne sont évidemment pas connues à l’avance. Les réponses suisses, en revanche, devraient rester les mêmes si le sujet de la fiscalité est évoqué. Le président de la Confédération répétera, à n’en pas douter, l’engagement de la Suisse à pratiquer désormais l’échange d’informations fiscales à la demande, inscrit dans les nouvelles conventions de double imposition récemment conclues par Berne.
Il redira aussitôt l’opposition de la Confédération à la généralisation de l’échange automatique pratiqué par vingt-quatre pays de l’UE sur ving-sept (La Belgique doit l’adopter en janvier 2010, l’Autriche et le Luxembourg refusent de le faire), et il devrait se montrer également réticent à toute forme d’accord futur Suisse-UE sur l’entraide fiscale. Pour Berne, la meilleure façon d’avancer sur le terrain de l’échange d’informations à la demande est la renégociation bilatérale des conventions de double imposition, telle que requise par l’OCDE.
Monsieur Merz se montrera en revanche plus positif sur la révision en cours de la directive communautaire sur la fiscalité de l’épargne, et sur celle, liée, de l’accord Suisse-UE. Un premier échange de vues a d’ailleurs eu lieu récemment à Berne sur ce sujet. La Suisse a déjà dit être prête à une extension du champ d’application de cet accord qui porte actuellement sur la seule épargne des personnes physiques sous forme de produits simples (livrets d’épargne, comptes rémunérés).
■ De mauvaises suprises sont-elles à attendre ?
Ce n’est pas un secret: Hans-Rudolf Merz n’est pas au mieux de sa forme ces temps-ci. Et plusieurs ministres des Finances de l’UE veulent faire de la transparence fiscale l’un des chevaux de bataille de l’après crise. La discussion pourrait donc être parfois tendue, même si les intéressés procèderont surtout à un échange de vues.
La vraie question est, au delà, des chantiers communautaires en cours, celle d’une éventuelle généralisation future de l’échange automatique d’informations fiscales. La Commission européenne, le Parlement européen (dont l’avis sur le sujet est seulement consultatif) et la grande majorité des pays de l’UE veulent en arriver là. Et ils ont pour cela un argument en or: le texte même de la directive sur la fiscalité de l’épargne qui prévoit, en cas de passage des pays tiers - dont la Suisse - à l’échange d’informations sur demande, la fin de la période transitoire actuelle qui permet à l’Autriche et au Luxembourg de continuer à pratiquer, en lieu et place, un système de retenue à la source similaire à celui mis en place au sein de la Confédération pour les épargnants non résidents ressortissants des pays de l’Union.
Quels que soient les plats servis aujourd’hui aux ministres à Bruxelles, Hans-Rudolf Merz devra donc se montrer frugal. Car à force de piment « fiscal », l’indigestion n’est jamais loin....