Cactus socialistes
Suisse
Les socialistes suisses ne semblent décidément pas être sur la même longueur d’onde. Entre débats et désaccords, ils ne cessent d’animer la scène politique

On ne s’ennuie jamais avec les socialistes suisses. Les contradictions, les retournements ou les divergences qu’ils cultivent avec la passion des collectionneurs de cactus, ont régulièrement le don de nous mettre en joie. En attendant l’or des forsythias. Ce fut donc une bonne semaine sous cet angle. Une déclaration et deux livres sur la démocratie directe y auront contribué.
Adversaire inflexible de la loi sur le renseignement (SRC), qui ouvrirait la porte à l’Etat fouineur selon lui, le conseiller national Jean Christophe Schwaab a choisi d’endosser la toge de l’avocat de celle sur la surveillance des télécommunications. Toutes deux ont pour caractéristique, notamment, de permettre l’accès à certaines communications aujourd’hui cryptées, «par l’introduction de programmes spéciaux de surveillance dans un système informatique».
Dans les deux cas, ces opérations doivent être autorisées par un juge. Il y a bien évidemment une différence de taille entre la loi sur le SRC et celle sur la surveillance des télécommunications: la première est à but préventif, la seconde ne peut être mise en œuvre que dans le cadre d’une procédure pénale en cours, donc à des fins répressives. La répression préférée à la prévention. Mais ce qui est intéressant, c’est l’argument qui a permis aux députés socialistes d’approuver des mesures de surveillance contre les criminels informatiques qu’ils refusaient, pour une partie d’entre eux, à l’endroit de terroristes potentiels: «Il s’agit d’offrir aux autorités pénales les mêmes armes technologiques qu’exploitent les criminels.» C’est cet argument que certains avaient combattu lorsqu’il s’est agi, avec la loi sur le SRC, de prévenir les actes de terrorisme!
Deux livres d’auteurs socialistes, déposés dans la boîte aux lettres presque simultanément, nous offrent deux visions presque divergentes de la démocratie directe. Le premier, de François Cherix, est pessimiste. «Hypertrophiée, la démocratie directe menace l’équilibre de la barque», à l’exemple de la votation du 9 février 2014 «Contre l’immigration de masse», écrit l’essayiste vaudois. Faute de réformes, selon lui, les Suisses continueront à se prononcer en ignorant la portée de leurs choix. Et François Cherix* de proposer soit un examen préalable des initiatives par une Cour constitutionnelle, soit un renforcement du contrôle parlementaire ou encore une augmentation du nombre de signatures exigibles.
Pour l’ancien conseiller national Andreas Gross*, qui a rassemblé ses chroniques de 30 ans sur le sujet, il n’y a pas de crise de la démocratie directe, au contraire, il n’y en a pas assez en Suisse et en Europe. Le problème n’est pas le nombre d’initiatives, selon lui. S’il y en a qui posent des problèmes d’application, c’est parce que nous n’avons pas su régler en amont les malaises et les anxiétés de notre société. On ne casse pas le thermomètre parce que l’on a de la fièvre. Tout au plus admet-il que la Suisse pourrait se doter d’un nouvel article constitutionnel précisant que les initiatives, pour être validées, doivent respecter les droits fondamentaux tels que reconnus dans les conventions internationales. Mais plutôt que d’y aller à coups de haches, ce spécialiste des droits politiques préconise des réformes en douceur en améliorant la couverture médiatique des débats politiques, par la transparence du financement des partis et campagnes de votations ou dans le développement de la démocratie participative. Un point, au moins, sur lequel les deux socialistes se retrouvent.