Alors? Alors toute la presse revient bien sûr sur le sens à donner au résultat d’hier: un non à 61,8% à la caisse unique. Mais un oui dans quatre cantons romands… Le non est un vote «contre l’expérimentation, écrit simplement la NZZ dans son commentaire du vote, un troisième non, clair […] Après 2003 et 2007, la gauche doit enfin accepter que le peuple est en accord avec le système en vigueur […] Les citoyens ne veulent pas de changement radical de système et d’expérimentations. Il s’agit d’amender sagement le système – car le résultat ne signifie pas que les Suisses soient parfaitement contents». Et le journal de citer la hausse des primes, la chasse aux bons risques, et même le démarchage téléphonique, qui en mettent plus d’un en colère. Cette mise en garde encore: «Le changement de système est réclamé par plus de personnes qu’il y a sept ans». Et le oui des Romands? Le journal se demande s’il peut y avoir une «solution particulière» pour les Romands et cite, sans le commenter, le ministre vaudois de la Santé Pierre-Yves Maillard, selon qui une caisse unique pour les cantons ayant voté oui serait «légitime»…

«C’est la quatrième fois en 20 ans que le peuple refuse la caisse unique, ce qui montre que la méfiance envers une assurance d’Etat encore fictive est encore plus grande qu’envers les assurances déjà existantes […] Il n’y a pas d’envie de cure radicale», commente de son côté le Tages-Anzeiger qui évoque, comme Le Temps dans son éditorial, un «Röstigraben de la politique de la santé»: «Comme attendu, la Romandie plus étatique a vu les choses un peu différemment». En effet. «C’est nouveau, le débat est relancé de ce côté-ci de la Sarine», commente dans les colonnes du Tagi le politologue Laurent Bernhard, un… Lausannois. «La hausse des primes n’est pas suffisante pour faire passer une majorité du côté de l’expérimentation», écrit aussi la BernerZeitung, qui propose surtout une infographie passionnante, du type de celle que Martin Grandjean a diffusée sur Twitter, hier.

Y sont corrélés le montant des primes, la couleur politique et le vote: très utile pour analyser le vote romand. Il en ressort que plus les primes sont hautes, plus la gauche est forte, et plus le oui à la caisse unique a eu du succès – ce qui pourrait sembler assez logique. Quatre graphiques immanquables à qui veut préparer la suite…

Quelle suite, justement? Le Blick note aussi que le soutien de l’assurance maladie est en train de disparaître non seulement chez les électeurs individuels, mais aussi dans les cantons. Ce qui devrait donner à penser «aux compagnies d’assurances de santé et aux lobbyistes au parlement [..] Ne rien faire serait une invitation à une nouvelle initiative». Mais «l’idée d’une caisse unique cantonale, une question qui se pose dans l’ouest de la Suisse, est inadaptée», écrit le commentateur du St. Galler Tagblatt. Car «ce serait ouvrir la boite de Pandore pour le gouvernement».

Ce qu’écrit aussi Watson aussi. «La tentative de plusieurs parlementaires de gauche d’installer une caisse unique au moins dans les cantons romands ne devrait avoir aucune chance politique pour des raisons constitutionnelles», écrit le pure player zurichois. Et de citer le parlementaire de Bâle-Ville Daniel Stolz: «Sinon moi aussi je ressors l’initiative contre l’immigration de masse et j’exige qu’elle ne s’applique pas dans mon canton»…

La Basler Zeitung, qui dans son titre note que «les socialistes ont appris du passé», souligne que dans les partis bourgeois romands aussi, le oui à la caisse unique a progressé. «En Suisse occidentale on a une autre compréhension de l’Etat, explique le politologue Andreas Ladner, de l’UNIL, ici un règlement centralisé n’est pas le diable, au contraire, il est bien accueilli. C’est une différence avec la peur de la Suisse alémanique d’une puissante organisation centrale en matière de santé». Et sur les chances que la demande de caisses uniques cantonales aboutisse: «Ces chances ne sont pas mauvaises. La structure des caisses maladie n’est pas un élément central du vivre-ensemble national, les Alémaniques ne devraient pas avoir de problèmes si les Romands parviennent à convaincre que ce système est le meilleur pour eux, cela correspond après tout à la volonté des Vaudois et des Genevois»…

Pas de commentaire particulier concernant la situation des Romands ce matin dans la presse du Tessin, mais sur le résultat national, La Regione Ticino estime aussi que le vote «n’est pas un chèque en blanc fait aux assureurs. C’est le signal, en dépit de la méfiance proverbiale de la Suisse pour les solutions étatistes, d’un mécontentement de plus en plus partagé vis-à-vis du régime actuel qui a produit dysfonctionnements et inégalités et qui manque, en outre, de la transparence nécessaire». Les compagnies d’assurance n’ont pas trop de raisons de trinquer au «champagne» parce que ce devrait être considéré comme la dernière chance donnée par l’électorat à l’assurance maladie.

Enfin le Corriere del Ticino parle d’un «coup dur» pour l’assurance maladie, et fait un mauvais jeu de mots en évoquant ceux qui ont déjà la caisse unique: les immigrés fraudeurs qui se font soigner à plusieurs à partir d’une même carte, la faute à l’absence de photo…