Au moment où l’audiovisuel public va devoir se défendre sur la durée contre les attaques visant ses ressources, la Radio Télévision Suisse (RTS) met en avant son projet de nouveau site sur le campus des hautes écoles lausannoises. «Il est stimulant d’imaginer que les producteurs et les diffuseurs du savoir collaboreront étroitement», a souligné mardi Gilles Marchand, directeur de la RTS, lors de la présentation du projet à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

A condition qu’aucun obstacle ne se présente, la première pierre du Campus RTS sera posée dans deux ans, en prévision d’une ouverture en 2019. Le nouveau bâtiment, qui remplacera le siège actuel de la Sallaz, sur les hauts de Lausanne, se dressera juste à côté du Learning Center, à mi-chemin entre université et EPFL. Le projet des architectes belges Kersten Geers et David Van Severen a été retenu en octobre dernier à l’issue d’un concours sur invitation.

Selon les indications données mardi par Gilles Marchand, le projet représente au stade actuel un investissement de l’ordre de 90 à 95 millions de francs. Par rapport aux premiers chiffres évoqués publiquement, cela signifie que le haut de la fourchette de départ est déjà atteint. L’opération ne serait pas possible sans le rachat par l’Etat de Vaud du siège de la Sallaz, pour 55 millions. Le gouvernement vaudois a l’intention d’y regrouper le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) et celui des Finances. Le solde du coût du Campus RTS, soit une quarantaine de millions, sera à la charge du budget du service public, sur cinquante ans.

Alors que les Suisses s’apprêtent à voter sur l’extension de la redevance, la RTS choisit-elle le bon moment pour afficher ses ambitieux projets? «Je ne maîtrise pas le calendrier politique, répond Gilles Marchand, et je ne vais pas mettre le projet en veilleuse parce qu’on vote le 14 juin.»

Au-delà du prochain scrutin sur les modalités de perception de la redevance, la controverse sur les moyens alloués à l’audiovisuel public paraît installée dans la durée. Les Chambres fédérales débattront en 2016 de la définition du service public. Par ailleurs, l’existence de la redevance elle-même est menacée par deux initiatives, même si l’une, comme on l’a appris mardi, a échoué.

A ceux qui critiquent les ambitions bâtisseuses de la RTS, Gilles Marchand s’efforcera de prouver que la solution qu’il préconise «est en réalité économique». A défaut de construire à neuf, il faudrait rénover la Sallaz et louer des locaux provisoires le temps des travaux. A Genève, alors que la tour de la télévision a fait l’objet, il y a quelques années, du «plus grand chantier de désamiantage de Suisse», le studio 4 ne répond plus aux normes incendies. La perspective concrète d’ouvrir un nouveau studio grand public (400 places) à Lausanne en 2019 permet de maintenir en exploitation celui de Genève dans l’intervalle. Les cars de reportage TV et les véhicules de production seront aussi regroupés à Lausanne.

Les négociations sur le droit de superficie sont en cours entre la Confédération, propriétaire des terrains, et la SSR. Les instances dirigeantes respectives devraient donner leur feu vert à l’opération en septembre. Le crédit de réalisation lui-même, une fois affiné, fera l’objet d’une nouvelle décision.

Le projet du Campus RTS a déjà été montré ici ou là, mais sa présentation est restée confidentielle, ont relevé ses auteurs en ouvrant l’exposition qui lui est consacrée à l’Ecole d’architecture de l’EPFL *. Ils se félicitent qu’il soit montré maintenant à la communauté universitaire, afin que celle-ci s’en empare. Le rapprochement entre les hautes écoles et la RTS est perçu de part et d’autre comme un «facteur d’innovation extraordinaire». A l’EPFL, un groupe de travail s’est constitué pour réfléchir aux synergies, selon André Schneider, vice-président de l’école pour les ressources et les infrastructures. «Ce projet n’au­rait pas de sens s’il n’était qu’architectural», renchérit Gilles Marchand.

La RTS imagine plusieurs «collaborations très concrètes» avec les hautes écoles. Les archives audiovisuelles d’institutions comme le CIO ou l’ONU pourraient rejoindre celles de la RTS dans un «centre de mémoire». Sur le plan de la recherche, il y a un intérêt commun à travailler sur les «écrans du futur». La participation des médias et de leur sens de la narration permettra aussi de développer des contenus pour l’enseignement à distance, sur le modèle des MOOC, les cours en ligne, que la RTS produit actuellement pour l’Université de Genève. Enfin, ces collaborations pourraient prendre la forme d’un incubateur pour nouvelles sociétés de technologie des médias.

* Exposition jusqu’au 30 mai. Archizoom, EPFL. http://archizoom.epfl.ch

«Ce projet n’aurait pas de sens s’il n’était qu’architectural»