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Le canton incite communes et privés à bâtir des logements

Le Conseil d’Etat oppose un contre-projet direct à une initiative de l’Asloca. L’exécutif veut passer de 4000 à 6000 appartements neufs bon marché par an

Jacqueline de Quattro et Béatrice Métraux. — © Keystone
Jacqueline de Quattro et Béatrice Métraux. — © Keystone

La classe moyenne vaudoise réclame des logements à sa portée. Satisfaire cette demande est devenu une priorité cantonale. En terre vaudoise le taux de vacance s’établit à 0,7%, à Lausanne il surnage à 0,2%, alors que 1,5% représenterait le plancher minimum.

Décidé à lutter contre cette pénurie désormais endémique, le Conseil d’Etat à majorité de gauche oppose un contre-projet direct à une initiative de l’Asloca. Le gouvernement entend inciter communes et investisseurs à bâtir des logements bon marché sans recourir à des mesures plus contraignantes, comme l’exige l’organisation de défense des locataires. L’initiative «Stop à la ­pénurie de logements» prévoit que les communes et l’Etat versent 20 francs par habitant pendant deux ans afin de construire des logements abordables. L’organisation envisage également un droit d’expropriation. Le scrutin populaire pourrait avoir lieu au printemps 2015.

La conseillère d’Etat des Verts, Béatrice Métraux, en compagnie de la PLR Jacqueline de Quattro, responsable de l’Aménagement du territoire, a expliqué ce lundi comment le gouvernement compte persuader tout le monde, surtout des caisses de pension, à bâtir rapidement entre 5000 et 6000 nouvelles unités par an au lieu de 4000 actuellement.

Afin d’atteindre cet objectif, l’Etat met en place une politique d’aide à la pierre, à l’image de ce qui existe déjà pour les étudiants ou les subventionnés. L’exécutif invente le concept de logement à loyer abordable (LAA). A titre d’exemple, «très indicatif», un trois-pièces de 80 m2 coûterait entre 1500 et 1900 francs mensuels selon les localités. Ces tarifs assureraient des rendements «raisonnables non spéculatifs» de 4 à 4,5% annuels.

Concrètement, des bonus de droit à bâtir seront attribués aux propriétaires et aux promoteurs prêts à construire des LAA. Les municipalités pourront à leur tour insérer des quotas d’appartements à prix abordables dans leur plan d’affectation. Un droit d’emption conventionnel et un droit de préemption permettront aux collectivités publiques d’intervenir là où des terrains constructibles sommeillent alors que la pénurie se fait sentir.

En outre, hors contre-projet mais toujours dans le but de favoriser ce genre d’habitation, Vaud simplifie la législation sur le parc locatif existant en cas de rénovation des bâtiments. Le canton offre également un soutien financier aux communes qui doivent adapter leurs plans d’affectation à la nouvelle loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Il propose aux municipalités qui procèdent rapidement aux ajustements requis et qui entendent bâtir des appartements pour la classe moyenne de bénéficier de possibilités de construction supplémentaires. Vaud attend une réponse de la Confédération au sujet de ces dérogations.

Le contre-projet a reçu l’aval unanime de l’exécutif cantonal. «C’est un bon compromis», a observé Béatrice Métraux. Selon la responsable du dossier, cher à la gauche, la mouture finale tient compte des «aspirations des uns et des autres».

Les communes conservent leur autonomie. Vu les relations parfois tourmentées que l’Etat entretient avec les municipalités, le gouvernement ne pouvait se contenter de rejeter l’initiative qui sollicite leur contribution financière. Il fallait une alternative.

Les milieux immobiliers y gagnent des compensations s’ils s’engagent à bâtir des logements pour la classe moyenne. Ces derniers restent cependant hostiles au droit de préemption en faveur des collectivités publiques. Le dispositif a été quelque peu corrigé par rapport à la version d’origine. Celui-ci protège les propriétaires qui auraient déjà entrepris de valoriser leur bien-fonds. Mais le secteur de la construction et la droite le combattront car «ce droit dérange la liberté du marché et ce n’est pas certain qu’il produise davantage de logements», observe Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise immobilière et conseiller national PLR.

L’Asloca-Vaud, pour sa part, a fait savoir que le contre-projet ne suffira pas. «Il y a beaucoup de carottes et pas de bâton», a résumé Anne Baehler Bech, secrétaire de l’association et députée des Verts.

A la lumière des premières réactions, il est peu probable que les débats cet automne au Grand Conseil, où siège une majorité de députés bourgeois, aboutissent au retrait de l’initiative. La droite tentera de biffer les éléments encore trop contraignants. La gauche cherchera à en imposer des nouveaux. Les partis centristes seront appelés à les départager. Plus tard, face aux Vaudois, le duel entre le Conseil d’Etat à majorité de gauche et les défenseurs des locataires promet d’être enflammé.

Des bonus de droit à bâtir seront attribués aux investisseurs prêts à construire des habitations abordables