«Les cantons prendront leurs responsabilités énergétiques»
Stratégie énergétique
A la veille de la présentation du message sur la stratégie énergétique 2050, Beat Vonlanthen, président de la Conférence des directeurs cantonaux de l’Energie, évoque les défis qui attendent les cantons. Il s’exprime également sur l’accord sur l’électricité avec l’Union européenne: «Nécessaire, mais pas à n’importe quelles conditions»

Alors que la conseillère fédérale Doris Leuthard met la dernière main à sa stratégie énergétique 2050, Beat Vonlanthen, conseiller d’Etat fribourgeois et président de la Conférence des directeurs cantonaux de l’Energie (EnDK), évoque les difficultés concrètes restant à surmonter.
Le Temps: Dans le cadre de sa stratégie énergétique 2050, Doris Leuthard prépare un plan ambitieux pour sortir du nucléaire, en misant notamment sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Plus de deux ans après Fukushima, est-ce toujours réaliste?
Beat Vonlanthen: Nous allons dans la bonne direction. L’avenir sera durable ou ne sera pas. Par contre, il est plus que temps d’agir concrètement. Les autorités publiques doivent définir une stratégie claire. Et tous les acteurs doivent aussi jouer le jeu – je pense notamment aux associations de protection de l’environnement, qui pourraient faire preuve de davantage de souplesse dans leur approche. Dans le canton de Fribourg, par exemple, nous avons un projet d’implantation d’éoliennes sur les crêtes du Schwyberg, dans le district de la Singine. Le projet est là sur le papier, prêt à être réalisé, mais il est bloqué par des oppositions.
– Et il y a les citoyens. Vous avez vous-même essuyé un échec avec votre nouvelle loi sur l’énergie, qui voulait notamment interdire les chauffages électriques. Quelles leçons en tirez-vous?
– Qu’on ne pourra pas réussir la transition énergétique sans le soutien de la population. Les responsables politiques ont ainsi une tâche double. En plus de décréter, ils doivent convaincre.
– Pour motiver tous les acteurs, la Confédération ne devrait-elle pas fixer une date précise pour l’arrêt des centrales nucléaires?
– Non. J’estime qu’il faut garder une certaine flexibilité. La priorité, c’est la sécurité des personnes. Mais je parle aussi en ma qualité de directeur de l’Economie. Il est nécessaire de faire en sorte qu’il y ait toujours suffisamment d’électricité à disposition, fournie dans de bonnes conditions et à un prix raisonnable.
– Justement, la Confédération vient de mettre en consultation un projet qui prévoit notamment de diminuer la durée et les montants du soutien au photovoltaïque dans le cadre de la rétribution à prix coûtant (RPC). Y êtes-vous favorable?
– Une réduction de la durée du soutien à 15 ans au lieu de 25 ans actuellement pourrait compromettre beaucoup de projets. Faute de rentabilité, ils ne se feraient tout simplement pas. Raison pour laquelle je suis réticent à l’adoption d’une telle mesure. On peut aussi diminuer les montants alloués, afin d’être un peu plus proche des réalités du marché, mais de manière plus modeste que ce qui figure dans le projet.
– Le canton de Berne veut mettre les toits des bâtiments publics à disposition pour des installations solaires. Ce type de projets ne devrait-il pas être envisagé à plus grande échelle?
– Nous allons suivre de près l’expérience bernoise, mais la Conférence des directeurs cantonaux de l’Energie agit également. De son côté, elle est en train de revoir le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC). Tout ce qui concerne les bâtiments est de la compétence des cantons et nous aimerions adopter de nouvelles normes beaucoup plus ambitieuses.
– Comme l’introduction d’un certificat énergétique obligatoire pour tous les bâtiments?
– Les cantons sont d’accord sur la majorité des propositions actuellement formulées. Mais l’introduction de ce certificat fait partie des points de désaccord, car elle est jugée trop contraignante, tout comme l’interdiction des chauffages électriques, car il y a trop de spécificités régionales. Impossible également d’obliger les propriétaires à rénover des bâtiments énergivores, même si c’est dans ce domaine que les économies d’énergie pourraient être les plus conséquentes. Actuellement, c’est un grand niet car ,en Suisse, le droit à la propriété est sacré. A titre d’exemple, il ne serait pas possible pour une personne sans grandes ressources financières d’entreprendre des travaux. Ou alors il faudrait envisager un subventionnement massif. Il faut être réaliste et continuer à agir avec des mesures incitatives telles qu’elles existent aujourd’hui déjà dans le Programme bâtiments.
– Doris Leuthard est peut-être ambitieuse. Mais les cantons ne sont-ils pas trop timorés?
– Certainement pas. Mais tant Doris Leuthard que le parlement nous ont prévenus. Si nous n’allons pas assez loin dans le cadre de la révision du MoPEC, notre compétence pour ce qui concerne les bâtiments pourrait être réduite. Nous devons ainsi faire un pas supplémentaire. Et je plaide pour que les cantons prennent leurs responsabilités. Qu’ils ne soient pas les exécutants de la politique fédérale. La Confédération n’a d’ailleurs pas intérêt à ce que ce soit le cas. Les cantons peuvent créer une dynamique fantastique, notamment au travers d’une concurrence stimulante entre eux.
– Et Fribourg souhaite aussi faire mieux que tout le monde?
– C’est clair. D’ailleurs, nous avons introduit dans notre loi cantonale le certificat obligatoire des bâtiments dès qu’un changement de propriétaire a lieu. Nous sommes aussi à l’avant-garde en ce qui concerne l’assainissement énergétique de l’éclairage public. De plus, nous allons démarrer prochainement une grande campagne détonante d’économie d’électricité.