Le casse-tête des lois économiques urgentes
Coronavirus
Le Conseil fédéral va présenter plusieurs projets de lois urgentes, qui devront en principe être approuvés par les Chambres fédérales. Celles-ci pourront-elles faire leur travail?

Une grande tente sur la place Fédérale? C’est la proposition choc que fait le chef du groupe socialiste, Roger Nordmann, pour permettre aux Chambres fédérales de reprendre leur travail. Dimanche, la Délégation administrative, qui réunit les bureaux des deux conseils, a décidé à l’unanimité de renoncer à la troisième semaine de la session de printemps. Celle-ci devait durer jusqu’à vendredi. Mais le parlement devra bien trouver le moyen de se réunir à nouveau. Il devra entériner les modifications de lois que le Conseil fédéral proposera d’adopter en procédure d’urgence.
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Depuis qu’il a hissé le risque d’épidémie au niveau de «situation extraordinaire», le gouvernement dispose d’une plus grande marge de manœuvre. Il peut agir par voie d’ordonnance. Mais il a dans le pipeline des projets législatifs, qui, eux, exigent l’approbation du parlement. Les lois urgentes entrent en vigueur sans délai et leur validité est limitée dans le temps.
Etendre le chômage partiel
Il y aura une révision de la loi sur l’assurance chômage afin d’étendre le droit au chômage partiel aux salariés qui ont un contrat de travail de durée déterminée (CDD) et aux travailleurs temporaires. Une adaptation de la loi sur l’assurance perte de gain est envisagée. Et le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, a annoncé un projet de loi urgente pour soutenir les manifestations culturelles et les artistes indépendants en difficulté. «Le droit d’urgence permet d’aller vite», a relevé mardi, lors du point de presse consacré à la situation du coronavirus, la secrétaire d’Etat Marie-Gabrielle Ineichen. «Mais les changements de lois doivent être avalisés par le parlement», a-t-elle confirmé.
Avant d’annuler la troisième semaine de la session, la Délégation administrative s’est assurée que le parlement ne serait pas appelé à approuver ces lois urgentes cette semaine, confie sa présidente, Isabelle Moret (PLR/VD). Tel n’est pas le cas, puisqu’elles ne seront pas décidées par le Conseil fédéral avant vendredi, soit après la clôture prévue de la session.
Une tente ou une salle
A partir de là, deux scénarios se dessinent. Le premier consiste à trouver un autre lieu de réunion que les salles du Conseil national et du Conseil des Etats, où la distance sanitaire de deux mètres ne peut pas être respectée. Roger Nordmann a dès lors imaginé le dispositif suivant. Sur la place Fédérale, une grande tente équipée d’un système de vote nominal accueillerait les 200 conseillers nationaux en respectant cette distance de sécurité. Le Conseil des Etats, qui compte 46 représentants, prendrait place dans la salle du Conseil national. Une autre variante délocaliserait les Chambres fédérales au Kursaal ou sur le site de BernExpo.
Vice-président du groupe PLR, Olivier Feller doute de la faisabilité de ce scénario. Il considère que le regroupement du Conseil national sous une tente ou dans une salle ne respecterait pas l’interdiction de réunion édictée par le Conseil fédéral. Et enverrait un mauvais message à la population.
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Décisions début mai
L’autre scénario consiste à étoffer le menu de la session spéciale que les Chambres fédérales tiendront les 4 et 5 mai. «Il serait possible d’ajouter au programme les votes finaux qui ne peuvent pas avoir lieu cette semaine et de traiter ce qui est urgent», confie Isabelle Moret. Elle rappelle que la Constitution fédérale et la loi sur le parlement stipulent que, pour voter valablement, les membres des Chambres fédérales doivent se réunir en session. Ils ne peuvent pas voter séparément, à distance et par voie électronique. Elle ajoute que la Délégation des finances, qui a la compétence d’approuver des crédits urgents extraordinaires, est en état de prendre des décisions en tout temps.
Ce scénario permettrait de boucler début mai certains dossiers laissés ouverts cette semaine, comme l’initiative sur les entreprises responsables et son contre-projet, la loi sur la protection des données et la prestation transitoire pour les chômeurs âgés (rente-pont). Il était d’ailleurs prévu que ce projet soit sous toit avant la votation sur l’initiative de l’UDC contre la libre circulation des personnes. Le scrutin est agendé au 17 mai, mais le Conseil fédéral n’a pas encore décidé s’il maintenait cette date.
Cette question est importante, car nombreux sont ceux qui jugent impossible de conduire une campagne politique dans le contexte actuel. Cela vaut aussi pour les récoltes de signatures. Le comité qui a lancé le référendum contre l’accord de libre-échange avec l’Indonésie a demandé une prolongation du délai, mais le Conseil fédéral a refusé. Le comité d’initiative pour un moratoire sur le vote électronique a interrompu la collecte des paraphes.