Terrorisme
Les autorités qui ont accordé l’asile au principal accusé n’ont jamais soumis le dossier pour examen préalable au Service de renseignement. La pratique n’a été durcie qu’ultérieurement, explique le Secrétariat d’Etat aux migrations

Osamah M., le cerveau présumé de la cellule de l’Etat islamique en Suisse démantelée l’an dernier, a pu obtenir l’asile sans que son cas n’ait jamais été soumis pour examen préalable au Service de renseignement de la Confédération (SRC).
Arrivé en Suisse en 2012, cet Irakien de 29 ans, en détention provisoire depuis mars 2014, doit désormais répondre devant le Tribunal pénal fédéral, en compagnie de trois autres compatriotes, de participation à une organisation terroriste. Les quatre hommes sont accusés, à des degrés divers, d’avoir cherché à planifier des attentats à partir de la Suisse. La date du procès, qui devrait se tenir l’an prochain, n’a pas encore été définitivement arrêtée.
L’homme en chaise roulante
Compétent pour statuer sur la demande d’asile, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ne s’est méfié de rien et n’a jamais consulté le SRC. Celui-ci est formel: lors de la procédure d’asile, en 2012, le SRC «n’a pas reçu pour examen de la part du Secrétariat d’Etat aux migrations le dossier de cette personne», a-t-il expliqué au «Temps», démentant des informations contraires parues dans des médias alémaniques la semaine dernière.
Le jeune Irakien, qui se déplace en chaise roulante à la suite de blessures reçues au combat, prétendait appartenir à des mouvements fidèles au gouvernement. Selon l’acte d’accusation du Ministère public fédéral, il avait pourtant rejoint la mouvance djihadiste dès 2004 et noué des contacts en Syrie dès 2011 avec l’Etat islamique en Irak et au Levant.
Des tuyaux après coup
Il n’est toutefois pas certain que le SRC aurait su tirer la sonnette d’alarme. En effet, ce n’est qu’ultérieurement que le renseignement suisse semble avoir obtenu des informations décisives par ses propres canaux et les avoir transmises à la police judiciaire fédérale, permettant à cette dernière de procéder à plusieurs arrestations.
Au moment de son interpellation, Osamah M. habitait dans le canton de Schaffhouse où il vivait de l’aide sociale. Ses complices – dont l’un était au bénéfice d’un permis C – résidaient en Suisse alémanique également. Fondée en bonne partie sur l’interception effectuée par les Etats-Unis de communications sur les réseaux sociaux et sur Skype, l’accusation leur reproche de nombreuses démarches en vue de perpétrer des attentats dont la cible n’a toutefois jamais pu être découverte par les enquêteurs.
La pratique change
Sans prendre position sur ce cas, le SEM relève que la pratique a changé depuis lors et admet que «dans le passé, quelques dossiers n’ont pas été transmis au Service de renseignement alors qu’ils le seraient en application de la pratique actuelle». Ces dossiers – environ 500 – ont été soumis à un examen rétrospectif du SRC.
Désormais, le cas de tous les requérants provenant de pays à risque – dont l’Irak et la Syrie – fait l’objet d’un examen systématique des services de renseignement. La collaboration entre les deux entités a encore été améliorée récemment, de manière à s’assurer que tous les dossiers soient effectivement transmis au SRC.
Pas de risque zéro
Au lendemain des attentats du 13 novembre dernier à Paris, la question des liens entre terrorisme et migration était sur toutes les lèvres. Le Secrétaire d’Etat aux migrations, Mario Gattiker, responsable de l’asile, assurait que les autorités faisaient tout leur possible pour détecter la présence de terroristes parmi les requérants d’asile. Evoquant l’examen des dossiers par le SRC, il suggérait cependant que le risque zéro n’existe pas.
«Il est désormais avéré que la menace d’une infiltration de terroristes par les mouvements migratoires est réelle», relève pour sa part le SRC. La migration n’est toutefois de loin pas considérée comme le seul facteur de risque. Si certains des individus qui se radicalisent sont arrivés en Suisse, note le SRC, d’autres y sont nés et y ont toujours vécu.