Selon la porte-parole de l'ambassade suisse à Washington, Caroline Heimo, les autorités suisses ont été informées lundi matin de la présentation imminente de l'étude sur la chaîne de télévision américaine ABC (lire ci-dessous). «Nous avons exigé de recevoir le document pour y répliquer officiellement dans l'émission», expliquait-elle mardi. Les 130 pages ont pu être faxées à Berne dans la nuit de lundi à mardi. Et hier, le président de la Confédération, Flavio Cotti, réagissait avec force, jugeant l'étude «indéfendable et perfide»: «Nous savons ce que la Suisse a fait pour notre liberté, pour la démocratie et contre le régime nazi. En tentant sciemment d'attribuer des sympathies nazies, ce rapport offense toute une génération». Pour sa part, l'ambassadeur suisse Thomas Borer, chef de la task force chargée de gérer la crise des fonds en déshérence, a rejeté en bloc les conclusions d'une étude «absurde et indéfendable».
Préparant le terrain, les services historiques de la task force avaient déjà effectué leurs propres recherches sur le sujet. Elles concluent que les petits groupes pronazis en Suisse sont restés à la fois marginaux et marginalisés. Ils ont été définitivement bannis durant l'été 1941. De plus l'attachement de la population suisse à la démocratie est indéniable et sa presse est restée ouvertement hostile au Reich. Un constat qu'avait d'ailleurs également tiré le sous-secrétaire d'Etat américain, Stuart Eizenstat, dans son second rapport sur les neutres publié la semaine dernière.
Si cette étude ne semble pas impressionner les autorités fédérales, elle crée par contre l'embarras pour la Commission Bergier. L'un de ses membres, l'historien Jacques Picard, par ailleurs meilleur spécialiste du pays sur l'antisémitisme, est remercié pour sa coopération par Alan Schom dans son introduction. De quoi faire peser de sérieux doutes sur le travail de la commission. Jacques Picard a fait part hier au Temps de son étonnement d'être associé à ce travail par son nom et sa fonction. S'il a bien rencontré Schom pour la première fois lundi, l'historien suisse précise qu'il a refusé dès février dernier de lui fournir des informations.
Cette façon de l'associer aujourd'hui à cette étude soutenue par le Centre Simon Wiesenthal l'oblige à émettre les doutes les plus sérieux sur les méthodes de travail d'Alan Schom et sur ses intentions. Sans l'avoir lu, Jacques Picard dénonce néanmoins les généralisations de l'étude sur la base de son introduction. «Il y a déjà eu beaucoup de livre en Suisse sur le sujet et il faut faire très attention à bien distinguer les différentes associations. S'il est clair qu'il y a eu des attitudes pro-nazies chez certaines élites suisses – mais attention à ne pas généraliser -, ce n'était par contre pas le cas en ce qui concerne sa population».
L'étude d'Alan Schom, dont les œuvres majeures consistent en deux biographies de Napoléon Bonaparte et d'Emile Zola, se présente comme un long catalogue d'éléments mis bout à bout qui tiennent plus du pamphlet que d'une étude historique achevée. «Je crois qu'il ne s'agit pas d'un travail scientifique, mais plutôt un peu polémique», conclut Rolf Bloch, le président de la Fédération suisse des communautés israélites.
Ce dernier présume qu'il s'agit d'un écrit visant le public américain afin que le CSW ne tombe pas dans l'oubli.