La nouvelle conseillère d’Etat vaudoise s’exprime à l’issue de sa première conférence de presse en tant que cheffe de département. Virage digital, mesures socio-éducatives et humanisme panachent sa vision de l’école de demain

Retrouvez ici notre éditorial: Le défi de la rentrée scolaire

Le Temps: Vous reprenez un département précédemment occupé par une politicienne également socialiste, quelle «Amarelle touch» voulez-vous imprimer?

Cesla Amarelle: Tout d’abord, je crois au fait que l’école doit rester stable. Des réajustements doivent cependant être effectués, et certains chantiers méritent d’être lancés, notamment dans l’éducation numérique. Le développement de mesures socio-éducatives supplémentaires fait également partie des changements prévus.

J’ai à cœur de trouver la manière la plus adéquate de renforcer la maîtrise de classe, point sur lequel la loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) doit être améliorée. Mon département avancera dans ce projet de manière cohérente et en concertation avec tous les acteurs concernés.

- Vous voulez promouvoir le numérique. Combien le matériel nécessaire va-t-il coûter?

- C’est une erreur d’aborder l’éducation par l’équipement. Pour beaucoup de questions, un outil numérique n’est d’ailleurs pas nécessaire. Pas besoin de tablette pour comprendre un algorithme par exemple. Le but n’est pas de délivrer un ordinateur par élève, bien au contraire. Nous évaluerons les besoins matériels en fonction des projets soumis par les établissements scolaires, sachant qu’un équipement n’est pas non plus nécessaire partout.

- Toujours dans le domaine du numérique, le Canton de Vaud passe pour avoir un certain retard dans ses écoles. Pourquoi ce virage si tardif?

- Pour regarder en avant plutôt qu’en arrière, je soutiens que cela peut également être une chance d’avoir un certain «retard». Cela permet notamment de ne pas répéter les erreurs déjà commises par les pays voisins.

- L’école devrait-elle plus tenir compte des besoins de l’économie?

- Il faut avant tout acquérir une formation générale solide. Un socle de connaissance qui permette de développer un esprit critique pour se repérer et s’adapter aux nombreuses mutations en cours, notamment celle du travail. Sans cette aptitude de base, les branches préprofessionnelles seraient peu utiles. Ensuite, l’école n’a pas pour vocation d’être un organisme de placement, mais de préparer les élèves au monde qui les attend après l’école obligatoire au sein duquel le travail occupe une place importante. Nous devons rester dans une logique de formation, qui permet en elle-même de développer une sensibilité pour explorer le monde du travail et faire ses choix en conséquence.

- Les cantons romands qui ont déjà effectué leur rentrée insistent sur des mesures allant dans le sens de la santé des profs. Où en est-on exactement dans le canton de Vaud?

- Les mesures socio-éducatives annoncées sont une première manière d’atténuer la pénibilité au travail. L’article 22 de la LEO prévoit également l’instauration d’une instance de médiation. Nous examinerons l’opportunité de créer un tel organe à disposition des enseignants. Les cantons de Berne et Neuchâtel en disposent.

- On déplore souvent le pauvre niveau d’allemand des élèves romands. Quelles solutions existent pour que les élèves apprennent «vraiment» la langue de Goethe?

- Le système scolaire vaudois répond à ce défi par le renforcement des maturités bilingues et le développement de l’offre de mobilité, notamment celle des apprentis, qui est nouvelle. En outre, le canton présentera une nouvelle méthode en septembre 2017 qui se concentre sur une approche plus communicative et actionnelle pour le développement des compétences langagières. Aux cours dispensés en classe, rien ne vaudra cependant jamais une immersion dans la langue.

- Une heure d’histoire de plus sera dispensée aux élèves de neuvième année HARMOS. Pourquoi?

- C’est une décision du Grand Conseil et du Conseil d’Etat. Cette période sera une occasion précieuse de renforcer la culture générale dont je parlais précédemment. L’histoire permet d’acquérir des compétences logiques, analytiques et combinatoires pour comprendre le passé, afin de baser nos actions sur un socle solide, car le passé est toujours un prologue. Négliger cette branche accentue le discontinu, le décousu. Dans une société comme la nôtre, qui éparpille, comprendre l’histoire est un enjeu important.

- Vous défendez des valeurs humanistes et vous êtes attachée à la connaissance des droits de l’homme. A ce titre, l’école ne devrait-elle pas instruire les enfants sur des thèmes comme le réchauffement climatique, le développement durable ou encore le tri des déchets?

- L’école doit se concentrer sur l’enseignement des connaissances et des vérités du XXIe siècle. Dans ce cadre, la culture générale représente le moyen de doter les élèves de repères solides. S’il n’y a pas de cours spécifiquement orientés sur le tri des déchets ou le réchauffement climatique, les enseignements de connaissance de l’environnement et de l’histoire permettent de s’outiller pour être réceptif à ces problématiques.

- Quelles directives sont-elles données aux enseignants concernant les questions d’actualité?

- Je suis pour laisser les enseignants libres de parler de l’actualité. Encore une fois, il s’agit là de culture générale. Si on prend les attentats par exemple, certains enseignants ont très bien su comment les traiter. De même que l’on parle aussi d’éducation sexuelle à l’école. Le système scolaire a pour mission d’enseigner la connaissance de manière cohérente et adaptée à l’âge des élèves.

- Qu’apprenez-vous à vos enfants que l’école ne leur apprend pas?

- La relation parent-enfant comporte tout ce qui relève de l’intime. La force de l’amour. En rapport avec l’école, je leur apprends également la relation à l’enseignant.

- Seriez-vous favorable à l’ouverture d’un Master pour les enseignants de primaire et de secondaire?

- Je soutiens, de manière générale, la formation des enseignants. Il me semble cependant prématuré de répondre à cette question dans l’immédiat.

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