C’est encore l’heure des cachotteries dans la course au Conseil fédéral
Conseil fédéral
AbonnéLes auditions des quatre candidats au Conseil fédéral se sont déroulées sur fond de fanfare militaire pour cause de visite présidentielle sur la place Fédérale. Albert Rösti plaît à droite. Elisabeth Baume-Schneider aurait les faveurs des écologistes

Ambiance un brin surréaliste en ce mardi après-midi au Palais fédéral. Les quatre candidates et candidats au Conseil fédéral dans la course à la succession d’Ueli Maurer (UDC) et de Simonetta Sommaruga (PS) ont passé leurs premières auditions devant les partis représentés au parlement avec un arrière-fond musical. La fanfare militaire jouait en l’honneur du président italien, Sergio Mattarella, sur la place Fédérale, au même moment. Plutôt gênant pour la concentration? «Pas du tout», a répondu Hans-Ueli Vogt (UDC/ZH). «Cela m’a rendu d’autant plus euphorique.» On connaît le goût du Zurichois pour la schlagermusik, cette variété aux airs entêtants.
Pour ce qui est de la succession d’Ueli Maurer, Albert Rösti fait la course en tête dans les partis du centre droit. A Hérémence (VS), devant son groupe, le Bernois et maire d’Uetendorf avait obtenu deux fois plus de voix que le professeur zurichois et c’est à peu près l’écart qui séparera les deux candidats dans leur groupe.
Au PLR, il pourrait être encore plus grand. Lors du point de presse, le chef de groupe Damien Cottier s’est certes contenté de dire que les deux candidats étaient éligibles et que le PLR ne formulerait pas de recommandation de vote. En aparté pourtant, Hans-Ueli Vogt ne convainc pas. On le dit «imprévisible et introverti». «Parfois il est trop à gauche, et parfois trop à droite», remarque un élu PLR. Dans ce parti, l’engagement du professeur en faveur d’un contre-projet à l’initiative sur les multinationales responsables a mal passé. De même, son combat pour la primauté du droit suisse par rapport aux «juges étrangers» est jugé trop «dogmatique».
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A gauche en revanche, la course est très ouverte. «C’est 50-50%», pronostique un élu du PS. Une partie du groupe déplore qu’Albert Rösti «ne soit qu’un lobbyiste du pétrole», tandis que d’autres dénoncent en Hans-Ueli Vogt un partisan de la ligne dure sur le plan de la souveraineté et de la primauté du droit suisse.
Pas de diktat
Les vert’libéraux n’ont quant à eux pas formulé de recommandation de vote dans le duel Rösti-Vogt. «Pour nous, c’est la faculté des candidats à respecter la collégialité et à se démarquer du diktat de leur parti qui sera déterminante», a souligné leur cheffe de groupe, Tiana Moser.
Les sénatrices socialistes, Elisabeth Baume-Schneider (JU) et Eva Herzog (BS), elles, ont été reçues par les groupes UDC et Les Vert·e·s. Les écologistes ne se sont pas risqués à émettre une recommandation. «Nous allons les soutenir les deux», a rapporté devant les médias Lisa Mazzone (GE), vice-présidente du groupe parlementaire. «Elles nous ont donné des réponses satisfaisantes sur le climat et sur l’Union européenne», les deux sujets principaux sondés par les écologistes.
Ce que les écologistes n’ont pas dit officiellement, c’est qu’entre Eva Herzog et Elisabeth Baume-Schneider, ils penchent d’un côté. Selon nos informations, un vote consultatif a été organisé, à main levée et sans consigner les résultats par écrit. La Jurassienne, considérée comme plus ouverte de caractère, en serait ressortie avec un avantage certain. Mais la stratégie du groupe n’est pas arrêtée définitivement: il lui faudra encore, d’ici à l’élection du 7 décembre, évaluer l’impact que chacune des deux candidates aurait, en cas de victoire, sur les potentielles candidatures des Vert·e·s dans les années à venir.
La question linguistique n’a pas fait de vagues. «Ce n’est pas un critère déterminant», relève Lisa Mazzone. Les écologistes, contrairement aux libéraux-radicaux, ne voient pas d’inconvénient à avoir une majorité latine au Conseil fédéral pendant un certain temps.
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A l’autre bout du spectre politique, l’UDC devrait adopter une position inverse. Certes, le parti conservateur n’a pas encore formulé de recommandation de vote – cela se fera dans une semaine, annonce-t-il dans un communiqué. Mais dans les faits, c’est bien la Bâloise Eva Herzog qui détient les meilleures cartes pour l’emporter, avec son positionnement plus modéré sur certaines questions économiques et financières. L’audition a semble-t-il traduit cette préférence. Un élu nous rapportait que l’entretien avec Elisabeth Baume-Schneider se déroulait beaucoup plus durement qu’avec sa rivale alémanique. Ici, l’aspect linguistique a clairement son importance, et la large majorité alémanique du groupe UDC sera portée à soutenir la candidate bâloise.
Le PLR fait machine arrière
Les auditions se poursuivront le mardi 6 décembre, veille de l’élection par le parlement. La tête du PLR a été désavouée, elle qui avait affiché son scepticisme sur une candidature romande qui donnerait une majorité de Latins au Conseil fédéral. Ce parti recevra bien la Jurassienne. Damien Cottier a toutefois prévenu que si une majorité latine devait s’imposer au Conseil fédéral, son parti souhaiterait que la transition soit la plus courte possible.
Avant les partis, c’est la très influente Union suisse des paysans (USP) qui avait ouvert les feux lundi en conviant les quatre papables à l’Hôtel Kreuz à Berne. Il n’y a, paraît-il, pas eu photo chez les agriculteurs. «On a senti un grand fossé ville-campagne dans les deux partis», témoigne un participant. De par leurs racines terriennes, Albert Rösti et Elisabeth Baume-Schneider ont davantage convaincu que les deux citadins Hans-Ueli Vogt et Eva Herzog, «même si tous les quatre étaient bien préparés», précise notre témoin.
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