Publicité

«C’est une dette que nous ne devons pas laisser à nos enfants»

Jérôme Cosandey, chef de projet à Avenir Suisse, est l’auteur d’une récente étude sur l’état des caisses de pension cantonales

Le Temps: On parle de barrière de rösti en matière de caisses de pension, mais la caisse cantonale zurichoise nécessite aussi des mesures d’assainissement. Quelle est la réalité?

Jérôme Cosandey: Les difficultés des caisses publiques sont un problème général: à fin mars 2012, trois quarts d’entre elles étaient à découvert. L’augmentation des salaires et des rentes dans la fonction publique n’a pas été accompagnée systématiquement d’une augmentation de la fortune des caisses. Mais la situation est plus préoccupante en Suisse romande, où la couverture des institutions est inférieure à 70%, sauf à Fribourg (79%). Pour Zurich, le degré de couverture se situe autour de 85%, mais il s’agit d’une des cinq plus grandes caisses du pays, et ces 15% de découvert représentent 2,8 milliards de francs.

– Voyez-vous une cause historique à cette spécificité romande?

– On se compare d’abord à son voisin immédiat, Vaud regarde Genève et s’en trouve bien! On ne peut pas dire que ces deux cantons soient affaiblis financièrement; au contraire, ce sont tous deux des contributeurs nets de la péréquation fédérale. Mais la culture politique romande préfère consacrer les moyens disponibles à des projets plus porteurs, comme une voie de métro ou un nouveau stade. Pendant longtemps, on a eu moins de scrupules à promettre des rentes sans garantie de pouvoir les couvrir. Le débat a commencé bien plus tard en Romandie qu’en Suisse alémanique, où 80% des caisses ont déjà passé au régime de la primauté des cotisations, alors qu’ici, elles sont encore toutes en primauté de prestation. Par ailleurs, le poids des syndicats romands est plus important.

– L’objectif des 80 ou 100%de couverture a été contesté, vula pérennité des collectivités publiques…

– Si le financement manque, il faut faire de la dette, tôt ou tard, et ce sont nos enfants qui devront l’assumer. Le découvert global des caisses publiques suisses se monte à 50 milliards de francs. A titre de comparaison, la dette de la Confédération est de 110 milliards de francs. Les collectivités publiques ne sont pas aussi constantes qu’on le pense: il y a des fusions de communes, d’hôpitaux, des mutations d’entreprises publiques. Pensez à la privatisation des CFF ou de Swisscom, pour ne citer que deux exemples.

– Avec un taux de couverture de 56%, Genève est la lanterne rouge…

– En effet, un franc promis sur deux n’est pas assuré financièrement. De plus, Genève a longtemps utilisé toute la marge de manœuvre lui permettant d’afficher la couverture la plus favorable. Non seulement en appliquant jusqu’à l’an dernier un taux technique de 4,5%, mais aussi en utilisant les tables de mortalité périodiques plutôt que les tables générationnelles prospectives qu’utilisent les assureurs et certaines caisses privées.

– Le gouvernement vaudois vient de renoncer à l’objectif d’une couverture à 75% en 2018, qui figurait dans une loi de 2003, pour se rallier à l’objectif des 80% en 2050 de l’exigence fédérale. La couverture est actuellement de 62%…

– Vaud avait fixé son objectif à une époque où on s’attendait encore à ce que Berne impose les 100%, et n’a sans doute plus voulu être plus royaliste que le roi, ce qui lui aurait compliqué les choses. Mais cet assouplissement, annoncé en année électorale, fait sourire. Rien n’empêchait le canton de Vaud de maintenir son premier objectif, pour atteindre ensuite le second.

– A Lausanne, la caisse de pension communale, en cours d’assainissement, ressemble à un puits sans fond…

– Le découvert de la Ville de Lausanne est d’environ 700 millions de francs. La récente provision de 90 millions de francs n’est qu’une première étape. Il faudra voir quelles seront les mesures d’assainissement concrètes qui seront mises en place pour combler les millions restants.

– Réduire les prestations, augmenter les cotisations, y a-t-il une solution idéale?

– Il est impossible de mettre toute la charge sur un seul porteur. Le plan d’assainissement du canton de Zurich me paraît exemplaire, car tout le monde participe. Le taux de conversion est abaissé, les retraites anticipées ne sont plus possibles sans réduction de rente, des cotisations à fonds perdu dégressives sont perçues jusqu’à l’assainissement et l’Etat refinance l’institution à hauteur de 2,6 milliards de francs à travers une augmentation d’impôt.