Égalité
A gauche, les femmes veulent rebondir sur le succès de la grève du 14 juin. Elles espèrent notamment que la chambre haute, qui doit prendre deux décisions importantes cette semaine, se montre plus courageuse

Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. Après l’impressionnante et énergisante vague violette qui a déferlé sur la Suisse le 14 juin, les femmes socialistes tiennent à maintenir la pression. Sur le Conseil des Etats dans un premier temps, qui doit prendre deux décisions en matière d’égalité. A plus long terme, elles veulent relancer le débat sur la durée hebdomadaire et n’excluent pas de lancer une initiative populaire à ce sujet.
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Les centaines de milliers de femmes qui se sont mobilisées d’une façon ou d’une autre vendredi dernier auront-elles une influence sur ce que les femmes de gauche appellent «un club de vieux messieurs»? Ce mercredi, le Conseil des Etats débat de la révision du droit de la société anonyme. Celle-ci inclut des «seuils de représentation» que toutes les sociétés cotées en bourse devront respecter: 30% de femmes dans les conseils d’administration et 20% dans les directions, comme l’ont approuvé le Conseil fédéral et le Conseil national.
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Des valeurs cibles pour l’économie
Lors de sa séance du 17 mai dernier, une courte majorité de la Commission des affaires juridiques (formée d’élus PLR et PDC) de la chambre haute a décidé de ne pas s’immiscer dans la conduite des entreprises. Elle est d’accord de viser l’objectif des 30% de femmes dans les conseils d’administration, mais en supprimant toute valeur cible dans les directions.
Même si elle se trouvait dans la minorité soutenant le projet du Conseil fédéral, Anne Seydoux-Christe (PDC/JU) veut encore y croire. «Je pense que la mobilisation massive des femmes dans la rue, puis la prise de position claire de Viola Amherd, auront un effet positif sur le débat», estime-t-elle. Dans la NZZ am Sonntag, la conseillère fédérale (PDC) a en effet pris une position claire: «Les quotas ne sont pas la mesure que je préfère, mais lorsqu’on n’avance pas, il faut parfois y recourir.»
Congé paternité: «Le minimum du minimum»
Ce jeudi, le même Conseil des Etats doit débattre de l’initiative du syndicat Travail.Suisse, qui exige un congé paternité de quatre semaines (20 jours). Non sans avoir procédé à sa propre procédure de consultation, sa Commission sociale (CSSS) a donné son feu vert à un contre-projet indirect portant sur deux semaines à prendre durant les six mois suivant la naissance de l’enfant. Les femmes progressistes ne savent plus si elles doivent s’en réjouir ou non. «Totalement insuffisant», relève Anne Seydoux-Christe, membre du comité d’initiative. «Dérisoire», se désole Irène Kälin (Les Verts/AG). «Je vais le voter à contrecœur, pour ne pas empêcher le compromis du compromis», déclare pour sa part la sénatrice Géraldine Savary (PS/VD).
Cruel retour à la réalité politique suisse pour les partisans de l’égalité. En août 2018, la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales a proposé un modèle de congé parental de 38 semaines. Ce lundi, les femmes socialistes sont allées plus loin encore: «50 semaines, dont la moitié devrait être obligatoire», précise la coprésidente des femmes du Parti socialiste suisse Martine Docourt. «L’introduction d’un tel congé discriminerait moins les femmes à l’embauche. De plus, après ce congé, lors de la reprise du travail, les deux parents devraient pouvoir conserver leur emploi précédent à un pourcentage inférieur», ajoute-t-elle.
Des listes paritaires obligatoires
Les femmes socialistes veulent aussi relancer la discussion sur le temps de travail hebdomadaire, de manière à inciter les hommes à prendre davantage de responsabilités dans les tâches domestiques. Elles n’ont cependant pas cité de chiffre précis, préférant d’abord provoquer une réflexion de fond. «Mais nous les femmes socialistes visons les 35 heures et n’excluons pas de lancer une initiative populaire si cela se révèle nécessaire», note Barbara Gysi, vice-présidente du Parti socialiste suisse.
Les socialistes ne sont pas les seuls à vouloir rebondir immédiatement sur le franc succès qu’a connu la grève des femmes. Les Verts ont aussi déposé un bouquet d’interventions. Ainsi, Irène Kälin veut imposer à tous les partis des listes paritaires entre les hommes et les femmes. «C’est la manière la plus efficace de promouvoir les femmes en politique, car la société qui élit est plus progressiste que les partis», souligne-t-elle.
On s’en doute: ce genre d’interventions ne plaît pas à la droite, ni à l’UDC ni au PLR. «Nous ne donnons pas d’instructions aux partis cantonaux. Ce n’est pas dans notre ADN de faire une discrimination positive en faveur de qui que ce soit», note la responsable de communication du PLR en Suisse romande Fanny Noghero. En cette année 2019, la situation se présente d’ailleurs mieux que par le passé. «Nous avons pour l’instant 40% de femmes sur nos listes.»