Certes, le conflit au Proche-Orient émeut, sous la Coupole. Mais il est plus encore devenu un enjeu de politique intérieure, depuis les condamnations de Micheline Calmy-Rey et ses propos sur la neutralité de la Suisse. Les uns lui apportent un soutien total, d'autres estiment que le fond est juste mais que sa stratégie est fausse. A droite, enfin, on l'accuse d'avoir rompu la collégialité.

La cheffe du Département des affaires étrangères (DFAE) défend non seulement le point de vue selon lequel la neutralité ne signifie pas qu'il faille «se cacher sous la table et attendre que ça se passe» (LT du 02.08.2006). Elle insinue également que le conflit est «interétatique» - opposant Israël au Liban et non au Hezbollah - et que le droit de la neutralité doit donc s'appliquer.

Sans surprise, les socialistes lui apportent un plein soutien. S'ils vont moins loin que les Verts (qui attribuent davantage de responsabilité à Israël qu'au Hezbollah), «nous estimons que l'ensemble du commerce de matériel de guerre devrait cesser et pas seulement les ventes, comme le veut la loi», souligne la cheffe du groupe parlementaire Ursula Wyss. Le radical genevois John Dupraz lui fait écho. «J'interviendrai dans ce sens, à la fin du mois, au sein de la commission de politique extérieure», assure celui qui est «entièrement derrière Micheline Calmy-Rey» et en faveur d'une application étendue du droit de la neutralité.

Condamnations inutiles?

Chez les démocrates-chrétiens, on est plus nuancé. «La ministre a raison: afficher sa neutralité ne se résume pas à rester en retrait, abonde le président ad interim du parti, Bruno Frick. Néanmoins, sa mission devrait se limiter à rappeler haut et fort les règles du Droit international humanitaire et à dénoncer ses violations.» Pour lui, les condamnations de Micheline Calmy-Rey, «même équilibrées, se révèlent contre-productives». Une stratégie de neutralité devrait avoir pour objectif d'endosser un rôle de médiateur, que peut jouer la Suisse dans un stade ou un autre du conflit, poursuit le sénateur schwyzois. «Or, à travers une condamnation, soit un jugement moral et non plus juridique, on se discrédite.»

Sur l'autre débat, qui consiste à définir s'il s'agit d'un conflit interétatique ou asymétrique, il se montre plus mitigé que «sa» conseillère fédérale Doris Leuthard. Interrogée par Le Temps, celle-ci a parlé d'une opposition «entre Israël et le Hezbollah». Bruno Frick, lui, est d'avis que «plusieurs éléments indiquent qu'il s'agit d'un conflit interétatique».

Le libéral Claude Ruey défend une ligne similaire, sur le fond. Mais il se montre surtout irrité par la forme: pour lui, il est important «que la grenouille ne se prenne pas pour le bœuf». En d'autres termes, que le DFAE ne s'accorde pas plus d'importance qu'il n'en a, sur le plan international. Par ailleurs, «il y a un problème de collégialité dans les positions que défend Micheline Calmy-Rey et qui prennent le Conseil fédéral à contre-pied, alors même qu'une séance a eu lieu sur le sujet.»

Le président des radicaux, Fulvio Pelli, est allé encore plus loin dans le Tages-Anzeiger, évoquant tout de go une «rupture de la collégialité» et disqualifiant des condamnations unilatérales de Micheline Calmy-Rey qui «n'apportent rien». Quant à l'UDC, elle maintient sa recette de toujours, rabâchée encore par son président Ueli Maurer dans son allocution du 1er Août. Elle a regretté qu'on ait adapté la neutralité «à l'esprit du temps simplement pour pouvoir participer aux jeux politiques internationaux». L'UDC a d'ailleurs enjoint mercredi soir le Conseil fédéral à rappeler à l'ordre Micheline Calmy-Rey.

Manifestement, le rapport que le Conseil fédéral a exigé du DFAE sur la neutralité aura bien du mal à mettre tout le monde d'accord.