La conception idyllique des vaches suisses qui regardent passer les trains semble battre de l’aile. Le débat sur les «vaches à hublot» a traversé les frontières et fait son retour en Suisse. En 2014, la RTS diffusait un reportage sur cette pratique, qui consiste à créer dans le flanc d’une vache un trou servant de conduit artificiel vers sa panse. Le 20 juin dernier, l’association française L214 a démontré, vidéos de bovins français fistulés à l’appui, que le procédé était toujours d’actualité. Mardi, la Coalition animaliste (COA) a lancé une pétition pour interdire les «vaches à hublot» en Suisse.

Justifications scientifiques

Depuis 1980, Agroscope, centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole, étudie la digestion des bovins grâce à des «vaches à hublot». Le but est de fournir des recommandations aux éleveurs et de tenter de réduire la quantité de méthane relâché par les animaux dans l’atmosphère. Or, la COA reproche à Agroscope et à l’Office fédéral de l’agriculture de développer cette pratique dans une «logique de productivité et de rentabilité au détriment de la santé et du bien-être réel des animaux».

Le nombre de bovidés à fistule semble pourtant en diminution en Suisse. En juin dernier, seule une vache était porteuse d’une telle «fenêtre» chez Agroscope. Dans sa feuille d’informations relative à la fistulation, l’organisme assure d’ailleurs «ne plus conduire de projet de recherche en lien avec des vaches à fistule».

Des alternatives floues

Virginia Markus, membre de la COA, appelle à la prudence: «Qu’il n’y ait qu’une seule vache à hublot aujourd’hui n’empêche pas le fait que d’autres soient opérées prochainement, puisque ces opérations sont considérées comme importantes dans le milieu de l’élevage.» L’institut Agroscope a-t-il une telle intention? Interrogé par Le Temps, il répond qu’«on peut supposer qu’il sera possible à l’avenir de répondre à certaines questions de recherche grâce à de nouvelles méthodes d’analyse sans vaches fistulées. Mais cela n’exclut pas que le centre procède à nouveau à l’avenir à des recherches nécessitant des vaches fistulées.»

Le jus de panse comme moyen de guérison

Si, du point de vue des agronomes, il est important de continuer à étudier la digestion des vaches, d’autres solutions sont envisagées pour des raisons éthiques. En effet, l’opération pour la pose d’une fistule est intrusive. Il s’agit d’ouvrir le flanc de la vache sur une vingtaine de centimètres pour accéder au rumen. Adrian Steiner, professeur et vétérinaire à la Faculté Vetsuisse de l’Université de Berne, précise toutefois que les vaches s’adaptent très bien à la fistule et peuvent vivre tout à fait normalement. Sa faculté en possède d’ailleurs une à des fins cliniques. En effet, le contenu de la panse de Zenta – c’est son nom – sert à guérir ses congénères malades.

Pour Virginia Markus, «peu importent les justifications. Elles ne questionnent jamais le système alors que, d’un point de vue éthique, la fistulation n’est pas défendable.» Mardi soir, une dizaine d’heures après son lancement, la pétition avait recueilli plus de 600 signatures.