Les couloirs du palais de Rumine à Lausanne sont ouverts aux courants d’air en ce glacial vendredi de décembre. Les pas des visiteurs résonnent sur les parois et les colonnes du hall d’entrée. L’ambiance solennelle de cet ancien bâtiment universitaire, toujours lieu de connaissance puisqu’il abrite près de cinq musées et la Bibliothèque de la ville, sert de toile de fond à notre rencontre avec Charly Pache, militant aux causes multiples animé par le désir de porter la voix des citoyens jusqu’aux hautes sphères du pouvoir.

Son dernier engagement en date envisage de bouleverser complètement le système politique. A travers son association Génération Nomination, il espère faire avancer l’idée du tirage au sort, en lieu et place des élections. Son envie est née il y a quelques années. En 2015, il annonce vouloir lancer une initiative populaire pour qu’une partie des conseillers nationaux soient tirés au sort. Génération Nomination s’engage dès lors pour diffuser l’idée puisée dans le berceau antique de la démocratie, la République d’Athènes. Le texte ne sera finalement pas déposé pour l’instant. «L’idée doit encore faire son chemin», avoue-t-il.

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Le tirage au sort au chevet de la démocratie

Néanmoins fasciné, il a rejoint l’équipe du politologue tessinois Nenad Stojanovic à l’Université de Genève, pour étudier l’exemple de l’Oregon et d’autres Etats américains. Lors de référendums, des comités de citoyens sont tirés au sort et doivent élaborer, à l’issue de débats de plusieurs jours, une recommandation de vote. Après avoir assisté à une telle assemblée de citoyens à Boston, Charly Pache est enthousiaste: «C’était magique de voir que des gens qui ne se connaissent pas et ne sont pas habitués au sujet ont réussi à travailler ensemble.»

Cet idéaliste convaincu rêve d’un système plus représentatif, libéré de conflits d’intérêts et avec plus de participation civique. Mais, surtout, un système où la remise en question des croyances établies puisse être possible. Ces convictions, il les porte depuis de nombreuses années.

L’homme de tous les fronts

Informaticien de formation, Charly Pache a vécu aux quatre coins de la Suisse, mais a principalement grandi en Valais. Après ses études à Sierre, il se met à son compte, puis décroche un master en innovation à la HEG de Fribourg. Sa passion pour les affaires publiques lui vient tardivement: c’est en 2009, lors de la votation sur le passeport biométrique, qu’il s’inquiète de voir les politiciens se jeter tête baissée dans un projet qu’il n’approuve pas. Il estime que les informations fournies à la population sont lacunaires. «C’est à ce moment-là que ma confiance dans le monde politique a commencé à s’effriter.»

Il rejoint le Parti pirate, se porte candidat au Conseil des Etats en 2012 contre Christian Levrat et Jacques Bourgeois dans le canton de Fribourg, où il habite à l’époque. Il parle d’une expérience intéressante dans les coulisses de la politique: «C’est un phénomène théâtral, les répliques sont étudiées, apprises puis répétées sur les plateaux télé et radio, comme une pièce.»

Il s’engage par la suite dans plusieurs campagnes de votation: aux côtés de Thomas Minder pour l’initiative pour limiter le salaire des grands patrons en 2012, puis de Christine Bussat et sa Marche blanche «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants» en 2014, toutes deux victorieuses dans les urnes. Il essuie toutefois un camouflet avec le référendum contre la loi sur les épidémies (2013). Il faisait partie du comité référendaire, contestant le bien-fondé de cette loi, en particulier l’autorisation à la Confédération de rendre obligatoires des campagnes de vaccination.

«Le monde est fait de nuances»

Lors de cette mobilisation, il dénonce les informations incomplètes fournies selon lui par la Confédération au public et le poids des lobbies sur le parlement. «Je trouve important de pouvoir porter un regard critique sur ce qui est annoncé comme forcément positif», assène-t-il. Ce sceptique de la vaccination, père d’une fille de 2 ans non vaccinée, rétorque à ceux que cela choque: «Les gens qui sont contre l’esprit critique cataloguent vite leurs opposants en leur apposant des étiquettes stigmatisantes: complotistes, fondamentalistes, etc.»

Ses campagnes politiques, il les a choisies selon son cœur, sans hésiter à porter des convictions que d’aucuns jugent fantasques ou dérangeantes. Charly Pache milite en marge des partis, des «carcans». Il a pourtant coprésidé le Parti pirate de 2012 à 2014, avant de jeter l’éponge. «Même au sein d’une petite structure comme la nôtre, nous étions en proie à des luttes internes.» D’ailleurs, il estime qu’il n’y a pas lieu de s’imposer les qualifications de droite ou de gauche: «Le monde est fait de nuances.»


Profil

1976: Naissance à Baden, Argovie.

2012: Cocoordinateur romand de la campagne de l’initiative Minder.

2012-2014: Vice-président du Parti pirate.

2014: Cocoordinateur romand de l’initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants».

2015: Lance Génération Nomination pour diffuser l’idée du tirage au sort.

2018: Assistant de recherche à l’Université de Genève sur un projet du Prof. Stojanovic lié au tirage au sort.


Nos portraits: pendant quelques mois, les portraits du «Temps» sont consacrés aux personnalités qui seront distinguées lors de l’édition 2019 du Forum des 100. Rendez-vous le 9 mai 2019.