La charte écologique du «Temps» est lancée
Climat
Depuis la semaine dernière, le millier de candidats romands aux élections fédérales est invité à se positionner sur trente engagements en faveur de la préservation de l’environnement. Une centaine d’entre eux a déjà répondu à un document inédit dans sa construction et grâce auquel «Le Temps» s’engage à surveiller que les paroles soient suivies par des actes

C’est une certitude. Les questions environnementales et climatiques domineront la campagne des élections fédérales d’octobre. Depuis un an, amorcée par les grèves estudiantines, la mobilisation est (presque) générale. Jamais auparavant les lignes politiques et économiques n’avaient bougé aussi rapidement sur le front de la protection de la planète.
En Suisse, plusieurs exemples témoignent de cet élan. Dans les cantons où des élections ont eu lieu cette année (Zurich, Lucerne, Bâle), une vague verte a modifié les rapports de force. A Berne, la taxe CO2, donnée pour presque morte il y a quelques mois après son abandon en novembre, vient de refaire son entrée au parlement. Enfin, pas plus tard que la semaine dernière, le Conseil fédéral a décidé d’aller plus loin que les objectifs de Paris pour que la Suisse devienne neutre en carbone d’ici à 2050.
C’est dans ce contexte, pour contribuer à ce que les déclarations d’intention se matérialisent, que Le Temps a décidé de s’engager à sa manière.
Lire notre éditorial: Engagés mais pas militants
Des idées par milliers
L’idée a émergé en février. Elle aboutit maintenant, mais ce n’est que le début d’une nouvelle phase. Depuis jeudi dernier, le millier de candidats romands aux élections fédérales du 20 octobre est invité à se positionner sur notre charte écologique.
Depuis le 9 mai, jour du Forum des 100 organisé à l’EPFL, à Lausanne, nous avons récolté des milliers d’idées et de propositions pour faire avancer la cause climatique. Au centre de ce grand «brainstorming», il y a Johan Rochel. Docteur en droit, codirecteur de la société de conseil Ethix, il a été mandaté par Le Temps pour orchestrer la construction de ce document.
A consulter: La charte écologique du «Temps»
Pendant quatre mois, c’est un travail de «ping-pong» intellectuel qu’il a mené. Avec une mission: synthétiser les idées émises lors du Forum des 100, mais aussi pendant les sept rencontres participatives cantonales que nous avons organisées avec des étudiants et des citoyens. Au final, «c’est un exercice qui témoigne parfaitement des bénéfices de ce que l’on appelle l’intelligence collective», se félicite le chercheur.
Cette charte se divise en dix chapitres. L’énergie, la mobilité, l’éducation, la fiscalité… Chacun d’entre eux comporte trois propositions d’engagement. Pour chaque point, les candidats peuvent répondre par oui ou par non. Mais ils ont aussi la possibilité de cocher la case oui+, qui les engage à lancer personnellement une intervention ou une initiative parlementaire sur ce sujet.
Le dilemme du zoom
Faire le tri entre les idées très concrètes et plus générales a constitué «l’une des principales difficultés de l’exercice», assure Johan Rochel. «Nous avons dû sans cesse zoomer ou dézoomer, au risque, parfois, de mettre de côté des questions pertinentes sur la mise en œuvre concrète d’une mesure.» Mais cela comporte un grand avantage, poursuit-il: «Souvent, politiquement, les chemins divergent pour atteindre le même objectif. En faisant apparaître certains dénominateurs communs, cette charte a vraiment le potentiel pour faire naître des consensus!»
Voir aussi: Notre dossier consacré à l’urgence climatique
Ainsi, certaines propositions sont plus générales que d’autres. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, l’un des trois engagements propose d'«accélérer les réformes des cursus de formation en mains fédérales pour promouvoir les compétences de formation à la transition écologique». Pour ce qui concerne l’énergie, en revanche, les incitations sont plus précises: «Exiger que les nouvelles constructions soient chauffées aux énergies renouvelables.»
Toutes ces propositions ont toutefois un même profil. Elles servent à soutenir et aboutir à un cadre, des règles et des lois – ce qui est somme toute le rôle des parlementaires – qui soient favorables à la préservation de l’environnement.
Dans une démocratie comme la nôtre, cette charte va susciter le débat, j’en suis convaincue
Dans cette liste, certains choix pourraient être taxés de subjectifs. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un système de collecte d’idées le plus démocratique et complet possible. Durant ce processus, Johan Rochel s’est aussi appuyé sur un comité composé d’une dizaine de personnes. «Ils ont critiqué, amélioré et complété la charte, mais ce ne sont pas eux qui l’ont rédigée», tient-il à préciser. Parmi eux, il y avait l’ancien conseiller d’Etat genevois David Hiler, la designer Camille Scherrer, Suren Erkman et Augustin Fragnière de l’Unil, ou encore Océane Dayer, fondatrice de l’organisation Swiss Youth for Climate. «La toute première version de la charte présentait un grand décalage entre l’urgence de la situation et les mesures proposées», se souvient-elle. Sur ce point, bien que les profils du comité d’experts fussent très différents, «tout le monde était d’accord».
Dans la version finale, «on peut s’interroger sur la pertinence de certains choix, ajoute Océane Dayer. Il y a des points plus urgents que d’autres… Mais il est intéressant de disposer d’un document qui embrasse les enjeux environnementaux de manière très large, car ceux-ci sont complexes et souvent entremêlés. Dans une démocratie comme la nôtre, cette charte va susciter le débat, j’en suis convaincue.»
Le plastique fait l’unanimité contre lui
Cette collecte auprès des candidats au Conseil des Etats et au National, réalisée avec l’appui de Politools, l’association à l’origine de Smartvote, porte déjà ses fruits. En quelques jours, près d’une centaine de candidats ont rempli la charte. Pour l’heure, ils sont surtout issus des partis écologistes, de gauche et du centre. Que peut-on en dire pour l’instant? Nous y reviendrons dans les prochains jours, mais il est, par exemple, déjà intéressant de constater que l’interdiction des plastiques à usage unique – le premier des trente engagements de la charte – récolte 93 réponses positives.
Qu’allons-nous faire, au juste, de toutes ces informations? Dans un premier temps, nous les collecterons et assurerons un suivi régulier dans nos pages et sur notre site. Ceci jusqu’aux élections. Ensuite, ces résultats nous serviront d’outil de veille pour toute la législature. L’histoire des chartes est remplie de documents de toutes sortes qui ont été signés puis mis de côté, voire oubliés. Celle-ci est un vrai engagement à surveiller les élus. Il ne s’agira pas de les dénoncer, mais de pouvoir leur demander des explications si leur parole n’est pas suivie par des actes.