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La Chaux-de-Fonds lance la traque aux criminels d'Internet

Alertées par une rixe liée à un échange d'insultes sur Internet, les autorités de la ville ont décidé de réagir. La police de sûreté informe parents et élèves des risques du Net.

L'affaire avait frappé les esprits dans les Montagnes neuchâteloises. En février dernier, deux élèves du Collège Numa-Droz, à La Chaux-de-Fonds, étaient tabassés dans la cour de leur école par sept jeunes externes. Souffrant de lésions multiples, ils avaient dû être hospitalisés. A l'origine de ce règlement de comptes? Des insultes échangées sur MSN, système de messagerie instantanée sur Internet.

Choquées par ce subit accès de violence, les autorités ont décidé de réagir. Elles ont lancé vendredi une campagne de sensibilisation auprès des élèves de l'école obligatoire, des enseignants et des parents. Organisée avec le concours de la police de sûreté, cette démarche constitue «un pas de plus» par rapport à l'action «Stop pornographie enfantine sur Internet», en cours un peu partout en Suisse depuis fin 2005.

Un univers surveillé

Principale innovation: les 400 élèves de 8e année de la ville participeront à plusieurs séances d'information spécifiques. Des représentants de la police cantonale, accompagnés par un membre de la Direction des écoles, exposeront une réalité souvent méconnue des adolescents: blogueurs et «chatteurs» sont soumis à un cadre légal et il existe des moyens de surveillance pour le faire respecter. «Onze policiers du Scoci (Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet) contrôlent la Toile 24 heures sur 24, souligne le chef de la Sûreté, Olivier Guéniat. D'autres travaillent dans les cantons. Cela débouche sur 60 à 120 dénonciations pénales par mois.»

Les insultes ne constituent qu'une infime partie du problème. Internet permet le transfert et la publication d'images volées avec souvent des connotations pornographiques. «Les blogs exacerbent le narcissisme, considère Olivier Guéniat. Il y a un nouvel exhibitionnisme lié à la technologie. Cela donne une nouvelle dimension à la perversité.»

Cette tendance a des conséquences parfois douloureuses. La chronique des faits divers a ainsi fait état plusieurs fois, ces derniers mois, de jeunes filles piégées par des Don Juan d'un goût douteux. Avec toujours le même scénario: flirt sur MSN, échanges de courriers électroniques, demande et obtention de photos suggestives, diffusion sur le Web. Plus grave encore: ces rencontres virtuelles peuvent mener à des abus sexuels, comme pour «Sophie 13», jeune Vaudoise de 14 ans qui avait fugué en juillet dernier en compagnie d'un Français de 58 ans.

Sentiment d'impunité

Ce nouveau type de criminalité est favorisé par une grande liberté et un fort sentiment d'impunité. Car, si les ordinateurs sont munis de filtres en milieu scolaire, ce n'est souvent pas le cas à domicile. Souvent, les parents n'imaginent tout simplement pas les risques - et les tentations - qui guettent leur descendance. «Internet induit une première historique dans notre société, juge Olivier Guéniat. Il y a une inversion de pouvoir entre les enfants et leurs parents. Les premiers maîtrisent les nouvelles technologies, pas les seconds. Et, quand on ne connaît pas, il est très difficile d'éduquer.»

Cette ignorance est illustrée par des chiffres collectés sur le terrain. «Lors d'une soirée d'information au Locle, nous avons demandé aux 97 parents présents s'ils avaient installé un filtre internet sur l'ordinateur utilisé par leur(s) enfant(s). Seuls 3 avaient pris cette précaution», note, effaré, Olivier Guéniat.

Dans ce contexte, les adolescents ne prennent plus la peine d'acheter des revues coquines. Ils surfent sur la Toile, collectent, classent et échangent sans dépenser le moindre centime. La police neuchâteloise a récemment découvert le cas d'un garçon de 11 ans qui gérait son propre site pornographique depuis près de deux ans. Ses parents ne se doutaient de rien.

Alors que faire? Selon Olivier Guéniat, les parents ne doivent pas aller jusqu'à priver leurs enfants d'un accès à Internet. «Comme dans la rue, le risque zéro n'existe pas. Outre l'installation d'un filtre, la meilleure chose à faire est d'en parler avec eux.» Pour informer, mais aussi pour exorciser: les enfants confrontés à des images dures peinent en effet à évacuer les émotions qu'elles leur procurent. La police neuchâteloise l'a constaté avec des films montrant des décapitations au couteau qui circulaient dans les écoles. Certains élèves ont mis plus de trois semaines avant d'en parler à leurs parents.

Avec des acteurs sensibilisés, Olivier Guéniat espère qu'il sera possible de «transformer les situations délicates en actes éducatifs». Pour atteindre cet objectif, la police informera les parents qui ont des enfants inscrits à l'école obligatoire à l'échelle du canton. Ce travail de longue haleine s'étendra sur toute l'année 2007.