Les scientifiques confirment ce que disent les politiques. Les conclusions des programmes nationaux de recherche 70 et 71 consacrés à la faisabilité du tournant énergétique estiment que la Suisse a les moyens de remplacer les énergies fossiles et nucléaire d’ici à 2050.

«La sortie des énergies fossiles et du nucléaire d’ici à 2050 est techniquement faisable, économiquement intéressante et socialement supportable», résume le président du PNR 70, le professeur zurichois Hans-Rudolf Schalcher. A la condition, toutefois, qu’il y ait à tous les échelons la volonté de le faire. Ce discours n’est pas différent de celui des acteurs politiques lorsqu’ils ont défendu la Stratégie énergétique 2050 devant le peuple, en 2017. Ils avertissaient déjà: pour réussir à remplacer le nucléaire et le pétrole d’ici à 2050, il faudra faire preuve de volontarisme.

En fait, les exigences à remplir sont nombreuses. Les chercheurs recommandent une démarche participative, «une implication active des citoyens par la création de coopératives énergétiques», suggère le professeur Frédéric Varone, de l’Université de Genève, membre du comité de direction du PNR 71. Il faudrait par exemple créer des systèmes multi-énergies décentralisés, organisés de manière locale et autonome, par quartiers ou par villages. «Il faut intégrer la population dans le processus de décision dès le départ», précise le professeur zurichois Andreas Balthasar, président du PNR 71. Mais cela ne veut pas dire que la construction d’installations de production de courant vert controversées telles que des éoliennes ou des centrales de géothermie en sera facilitée.

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Une taxe incitative sur le CO2

Pourtant, l’une des clés de la réussite ou de l’échec de la SE 2050 réside précisément dans l’exploitation d’un maximum de ressources renouvelables. «Il faut accepter de recourir bien plus massivement à ces énergies, comme le soleil, le vent et la géothermie», insiste Hans-Rudolf Schalcher. Certaines ont cependant leurs limites, comme, précisément, l’énergie du vent ou la force hydraulique, qui a «des possibilités d’extension limitées».

En zone alpine, relève cependant le rapport final, «le recul des glaciers libère de nouveaux espaces pouvant servir de lieu de stockage» et ouvrir de nouvelles possibilités d’exploitation. Les rapports du FNS mettent plutôt l’accent sur le photovoltaïque, comme l’ont déjà fait des experts politiques tels que Roger Nordmann, chef du groupe parlementaire socialiste et auteur d’un livre sur le potentiel de l’énergie solaire. Frédéric Varone cite l’exemple d’un projet de recherche de l’EPFL visant à intégrer le photovoltaïque directement dans les façades.

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Les chercheurs considèrent qu’il sera nécessaire d’ajouter à la politique actuelle de rétribution une taxe incitative sur le CO2 qui serait redistribuée à la population et favoriserait l’innovation. Cette idée de fiscalité écologique n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été évoquée lorsque Eveline Widmer-Schlumpf dirigeait les Finances fédérales. Mais la réforme avait été suspendue à cause des nombreuses oppositions. Si elle refaisait surface aujourd’hui, elle devrait être coordonnée avec les travaux en cours sur la loi sur le CO2, qui prévoit de relever le plafond de l’imposition des combustibles et d’augmenter le prix des carburants.

Les chercheurs soulignent encore la dépendance de l’étranger: à court terme, une hausse des importations est nécessaire, ce qui souligne l’importance d’un accord sur l’électricité avec l’UE.

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Confirmation

En fin de compte, les rapports du FNS ne font que confirmer ce que l’on savait déjà au moment de la votation sur la SE 2050. «Je me demande s’il était vraiment nécessaire d’investir 45 millions [ndlr: c’est leur coût total] dans ces deux programmes de recherche», persifle un observateur des transformations énergétiques. En fait, le mérite de ces programmes est d’avoir identifié toute une série de projets ciblés qui, ajoutés les uns aux autres, constituent une amorce de nouvelle politique énergétique. «Mais tout reste à faire», conclut cet observateur.