Ce devait être un point de bascule de la campagne. La semaine dernière, le comité interpartis No Billag Oui avait promis un plan B pour une SSR «affranchie de la tutelle de l’Etat, capable de collaborer avec les éditeurs privés au lieu de fausser le marché». Il l’a présenté ce mardi, laissant entendre que la SSR pourrait encore disposer d’un budget de 1 milliard de francs, contre 1,6 actuellement. «C’est totalement irréaliste», ont commenté aussi bien le chef du groupe socialiste Roger Nordmann que Laurent Wehrli, le président du comité romand contre «No Billag».

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Futur budget de la SSR très flou

«Non, la SSR n’est pas condamnée à disparaître en cas d’approbation de l’initiative, même si celle-ci supprime la redevance radio-TV», ont martelé Jean-François Rime et Hans-Ulrich Bigler, respectivement président et directeur de l’USAM. Dans un premier temps, Jean-François Rime a dénoncé le refus de tout débat sur le service public par la SSR et la ministre de la Communication, Doris Leuthard. «C’est un chantage exercé sur le peuple auquel on dit: soit vous payez, soit nous fermons la boutique.»

Dans un deuxième temps, Hans-Ulrich Bigler s’est employé à esquisser le futur budget de la SSR, mais il est resté très vague. Pas de business plan étayé des experts, mais quelques fourchettes de recettes alignées à la hâte. Les programmes sur abonnement volontaire pourraient ainsi rapporter entre 200 à 600 millions de francs et la publicité 400 millions, la SSR restant «un joyau au professionnalisme reconnu et aux émissions appréciées».

«C’est la Corée du Nord»

Surtout, les partisans de l’initiative tentent d’en dédramatiser l’extrémisme. Selon eux, «No Billag» exige certes que la Confédération ne subventionne plus aucune station de radio et de télévision, «mais des fonds destinés à la promotion de certaines émissions, séries d’émission ou canaux de diffusion du service public resteront possibles», assure Hans-Ulrich Bigler. Celui-ci ajoute que certains événements sportifs de portée nationale, pour lesquels la SSR assure non seulement la retransmission, mais aussi la production, pourront aussi être soutenus à l’avenir.

Tout est cependant resté très flou à l’heure de brosser ce plan B, qui n’est qu’un mirage aux yeux des détracteurs de l’initiative. «Les initiants ont désormais tellement peur de leur propre texte qu’ils lui inventent une faille pour que la Confédération soutienne à la pièce certaines émissions, note Roger Nordmann (PS/VD). C’en serait fini de l’indépendance de la SSR. Notre ministre des Médias aurait le même rôle que celui de la Corée du Nord», ironise-t-il.

Même son de cloche chez Laurent Wehrli (PLR/VD), qui résume ainsi ce plan B: «Ce n’est que du «y a qu’à». Jamais la SSR ne va pouvoir compenser le montant de la redevance par un surcroît de publicité qu’il faudrait trouver en neuf mois, affirme-t-il. En fait, cette initiative tue le service public, surtout dans les régions linguistiques minoritaires et celles qui sont périphériques. Il n’y aurait plus d’offre en Suisse romande.»

«Les éditeurs affaiblis»

De son côté, le président du groupe PDC Filippo Lombardi souligne une autre contradiction: «D’une part, les initiants accusent la SSR d’être devenue un mastodonte. Mais ils veulent d’autre part lui permettre d’arriver en force sur le marché de la publicité à la radio et sur Internet. Cela va encore affaiblir les éditeurs privés et les radios régionales.»

C’est dire que les partisans de «No Billag» ont laissé plus de questions ouvertes qu’ils n’ont proposé de réponses. Hans-Ulrich Bigler joue un optimisme que rien ne vient étayer. «Même dans un scénario catastrophe – soit que la radio alémanique perde 50% de ses auditeurs –, les 50% qui lui restent fidèles pourraient encore rapporter 287 millions de recettes», affirme-t-il ainsi. Il prétend que la SSR pourrait trouver 400 millions de recettes publicitaires, soit plus qu’à l’heure actuelle. Mais comment cela sera-t-il possible avec une audience réduite de moitié?

«Les propositions de l’USAM montrent qu’il n’y a pas de plan B possible à «No Billag», résume le directeur général de la SSR, Gilles Marchand. Financer un service public généraliste de même qualité dans toutes les régions linguistiques uniquement avec de la publicité est irréaliste. Cette initiative est effectivement mortifère pour la SSR et pour les 34 radios et TV privées qui touchent aussi une part de la redevance.» Le nouveau patron de la SSR se déclare prêt à réfléchir à l’évolution du service public compte tenu des besoins de la société et des futures conditions-cadres. «Mais pour cela, il faut absolument que le peuple rejette cette initiative dangereuse», conclut-il.