ÉDITORIAL. Le Conseil national a corrigé la version retenue par le Conseil des Etats pour la prestation transitoire

Fruit des réflexions de deux membres du Conseil fédéral – Karin Keller-Sutter et Alain Berset – et des partenaires sociaux, la prestation transitoire, dite rente-pont, vise deux buts. L’un avoué, l’autre un peu moins. Le premier objectif est d’apporter une solution à une catégorie très précise de la population, quelques milliers de personnes. Il s’agit des seniors qui ont perdu leur emploi, épuisé leur droit au chômage et n’ont pas encore atteint l’âge qui leur permet de vivre de leur rente AVS et de leurs cotisations de prévoyance. Dans cette optique, cette nouvelle prestation n’a de sens que si elle leur évite de devoir demander une rente AVS anticipée, qui est amputée de 6,8% par année de prélèvement anticipé. C’est ce que visait le projet du Conseil fédéral.
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L’autre objectif, avoué à demi-mot mais critiqué à voix haute par l’UDC, est «européen». La rente-pont fait partie d’un paquet de mesures destinées à favoriser la main-d’œuvre indigène, comme l’a voulu le parlement lorsqu’il a mis en œuvre, à sa manière, l’initiative de l’UDC sur l’immigration approuvée en 2014. Elle est la bouée de sauvetage lancée à celles et ceux qui, malgré leurs efforts, ne parviennent plus, après 60 ans, à s’insérer dans ce dispositif d’emploi indigène. Ce dispositif doit être sous toit avant la fin de la session parlementaire de mars. Il doit être prêt pour la votation du 17 mai sur la prochaine initiative de l’UDC, qui cible frontalement la libre circulation des personnes. Il s’agit d’éviter que, parce qu’ils sont exclus du monde du travail, ces électeurs soient tentés de glisser un oui dans les urnes. Logiquement, l’UDC condamne le traitement accéléré réservé à cette prestation transitoire.
Mais on est encore loin du compte, car le Conseil des Etats a vidé le projet de sa substance. Il a réduit la durée de versement de deux ans et l’a limité à 62 ans pour les femmes et à 63 ans pour les hommes, âges à partir desquels la rente AVS anticipée (et réduite) doit prendre le relais. Cela n’a aucun sens. Si la prestation transitoire ne permet pas de faire le joint avec l’âge légal de la retraite – respectivement, 64 et 65 ans –, elle ne sert à rien. Mercredi, le Conseil national a reconstruit un bout du pont, mais celui-ci ressemble encore trop à celui d’Avignon: il en manque tout un fragment.