Sécurité
La ministre Viola Amherd choisit un diplomate valaisan, ancien officier général à l’armée, pour succéder au Vaudois Jean-Philippe Gaudin. Le nouveau chef du SRC quitte donc l’ambassade en Iran, où il venait de débuter

A Berne, il se murmure parfois que les hauts fonctionnaires de la conseillère fédérale Viola Amherd sont Valaisans (son canton) et/ou du même parti, Le Centre. Evidemment montée en épingle, cette boutade fait allusion à la nomination passée d’un responsable du Cyber, Roger Michlig, ou du commandant de la Patrouille des glaciers, Roger Schwery.
Nommé mercredi par le Conseil fédéral, sur proposition de la ministre de la Défense, le nouveau patron du Service de renseignement (SRC) est Valaisan, mais n’appartient à aucun parti politique. Christian Dussey, 55 ans, succédera le 1er avril 2022 à Jean-Philippe Gaudin, poussé vers la sortie par Viola Amherd. Il remporte un processus de recrutement qui a attiré 47 candidatures (dont sept femmes), a été mené en partie par un «chasseur de têtes», et est passé par une commission de sélection comptant notamment la conseillère d’Etat vaudoise Béatrice Métraux.
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Fraîchement nommé ambassadeur en Iran, le lauréat, dévoilé la veille par la NZZ, cherche déjà son bonheur professionnel ailleurs. La rapidité du changement d’affectation n’est pas courante. Est-elle de nature à mécontenter ou inquiéter Américains et Iraniens, dont l’ambassade de Suisse en Iran représente mutuellement les intérêts? «Non», répond le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). «Les bons offices de la Suisse reposent sur une longue tradition et sont appréciés comme tels par les pays. Cela indépendamment des décisions liées au personnel.» Christian Dussey, pour sa part, ne commente pas: il s’exprimera à l’occasion d’une conférence de presse à venir.
A son crédit, il détient un CV idéal pour un chef du Renseignement. Diplomate, il maîtrise les relations internationales et possède un réseau au-delà des frontières – le mandat à Téhéran est d’ailleurs coté dans le milieu. Ancien officier général à l’armée, il sait se mouvoir sur le terrain militaire. Ancien analyste au sein de l’ancêtre du SRC, il est passé par «la maison» et la connaît en partie, même si les défis ont évolué depuis son passage dans les années 1990. Aujourd’hui, le Service de renseignement doit avant tout prévenir et lutter contre le terrorisme, l’extrémisme violent, l’espionnage, la propagation des armes de destruction massive, et les cyberattaques sur les infrastructures critiques.
Papables féminines pas intéressées
Favorisées initialement par Viola Amherd, les papables féminines n’ont pas donné suite, à l’image de Pälvi Pulli et de Monica Bonfanti, dont les noms circulaient à Berne. Autant la cheffe de la Politique de sécurité au Département fédéral de la défense que la commandante de la police genevoise n’ont pas voulu de ce poste hautement sensible, un véritable siège éjectable selon certains.
Christian Dussey relève le défi. Les missions délicates et compliquées ne lui sont pas inconnues. Engagé dans la gestion des crises au Département des affaires étrangères (DFAE), il doit alors gérer des prises d’otages: celle de deux policiers suisses au Pakistan en 2011, ou celle de quatre touristes helvétiques au Mali en 2009, à chaque fois par des groupes affiliés à Al-Qaida. Dans un autre registre, le quinquagénaire a aussi officié comme directeur du Centre de politique de sécurité de Genève.
«C’est une excellente nouvelle pour le monde sécuritaire suisse», applaudit André Duvillard, délégué au Réseau national de sécurité. Christian Dussey amène «un beau profil, une personnalité ouverte et une expérience de la diplomatie».
Le Service de renseignement de la Confédération a besoin d’un capitaine qui tienne la barre. Très exposés, l’organe et son patron courent le risque permanent de se retrouver impliqués dans une crise. L’année dernière, des turbulences avaient défrayé la chronique. D’abord l’affaire Crypto AG: pendant des décennies, le Renseignement suisse avait participé avec la CIA américaine et le Renseignement ouest-allemand à l’espionnage d’Etats étrangers. Ensuite, le départ brusque du directeur Jean-Philippe Gaudin, débarqué par Viola Amherd pour des raisons relationnelles.
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«C’est le moment que le poste soit repourvu. Entre l’annonce du départ de Jean-Philippe Gaudin et l’entrée en fonction de Christian Dussey, presque un an se sera écoulé. C’est beaucoup trop pour un poste aussi stratégique», critique Jean-Luc Addor (UDC/VS), conseiller national et membre de la commission de sécurité.
Christian Dussey bénéficiera du travail de son prédécesseur. Jean-Philippe Gaudin était parvenu à accroître les effectifs du SRC d’un tiers.