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Christophe Blocher ne rêve plus à un quotidien édité par l’UDC

Les plans d’un quotidien de parti ont été enterrés au début 2008, jugés trop coûteux. Des observateurs extérieurs s’interrogent toutefois sur la stratégie poursuivie par la BaZ et l’ancien conseiller fédéral.

Christoph Blocher, chargé par les propriétaires de la Basler Zeitung de présenter des mesures de redressement du groupe, ne veut pas prendre position sur son rôle supposé dans la rédaction du quotidien. Mais le titre d’un des ancêtres de la BaZ, la Schweizerische National-Zeitung, semble avoir été inventé pour l’ancien conseiller fédéral. Même si le journal d’alors était lié à la révolution radicale.

Christoph Blocher et l’UDC rêvent-ils toujours d’avoir leur propre presse? Ueli Maurer, encore président du parti, s’était fait menaçant en automne 2007. Si Christoph Blocher devait être bouté hors du Conseil fédéral, l’UDC allait le jour suivant déjà lancer son propre quotidien. Car seule la Weltwoche prenait position en faveur de l’UDC, mais elle ne s’adressait qu’à une élite, ajoutait-il.

Puis le 12 décembre 2007 est arrivé, mais aucun nouveau quotidien n’a suivi cette journée noire pour l’UDC. Moins d’une année plus tard, Christoph Blocher lui-même annonçait que le plan d’un journal maison était abandonné. Même pour un milliardaire, les coûts de lancement et d’exploitation estimés à 180 millions de francs étaient trop élevés.

Dans les entretiens hebdomadaires réalisés sur Teleblocher (et pour lesquels il dit ne pas payer un sou), l’ancien conseiller fédéral avait précisé sa position en mars 2008: «Auparavant, il y avait une presse de parti, c’était plus honnête, on savait à quoi s’attendre. Aujourd’hui, tous les médias se disent neutres et indépendants, mais sont partisans. Cette bouillie unitaire ne me plaît pas. Je suis pour la diversité des opinions. Mais lancer un propre titre dépasse nos forces. Et je ne suis pas sûr que les gens aujourd’hui veulent lire un journal de parti, les habitudes ont changé.»

Christoph Blocher avait déjà tâté du terrain de la presse. Alors patron d’Ems-Chemie, il a probablement investi plus de 30 millions de francs pendant dix ans pour soutenir le Bündner Tagblatt, un des deux quotidiens grisons. Mais en 1996, le Bündner Tagblatt était racheté par son concurrent direct.

D’un point de vue financier, entrer par la petite porte à la Basler Zeitung revient bien moins cher que de lancer son propre journal. Est-ce le but poursuivi par Christoph Blocher? Fredy Gsteiger, dernier rédacteur en chef de la Welt­woche avant sa mue et auteur d’une biographie consacrée à Christoph Blocher, trouve exagéré que l’on brandisse la menace d’un empire médiatique de l’UDC. «La Weltwoche opère dans un rayon assez petit. Et pour le moment, je ne vois pas quels médias Christoph Blocher pourrait racheter. Je trouve en revanche plutôt paranoïaque que l’UDC et Christoph Blocher se plaignent du traitement qui leur est fait dans les médias. Ils jouissent déjà d’un écho formidable. L’expulsion de criminels étrangers, par exemple, n’est quand même pas le problème central de la Suisse. La présence de l’UDC dans des organes de presse qui ne lui sont pas réputés proches est bien plus efficace.»

Christoph Blocher loue régulièrement la Weltwoche «pour son courage de présenter les problèmes sous un autre point de vue». Mais il n’aime pas que l’on dise que c’est son journal. Quant à Roger Köppel, son rédacteur en chef, et propriétaire, il dément toute participation financière de son mentor.

A Bâle, une partie de la population ne veut pas croire que le stratège de l’UDC ne joue aucun rôle dans son journal. Mardi, des plaquettes ont fait leur apparition, proclamant, avec le logo de la BaZ: «Blocher Zeitung, nein Danke!» Plus de 5000 personnes ont déjà signé une déclaration de protestation sur Internet. La rédaction de la BaZ, dans une résolution acceptée par 64 voix contre 3, demande que soit mis fin au mandat confié à Christoph Blocher. Et réaffirme sa méfiance envers son rédacteur en chef, Markus Somm.

Karl Lüönd, spécialiste zurichois des médias, dit ne pas comprendre la stratégie menée par la BaZ et l’ancien conseiller fédéral. «On ne peut pas faire un journal contre ses lecteurs et contre sa rédaction.»