Suisse-UE
Et si la Suisse était exclue du programme Media de l’Union européenne? Aux Journées de Soleure, cette rumeur a affolé la branche. Elle n’est pas dénuée de fondement

Sur fond de relations Suisse-UE difficiles, et d’initiatives populaires qui pourraient aggraver la situation, il est un autre secteur qui se fait du souci: le cinéma. A la fin des Journées de Soleure, qui se sont achevées jeudi dernier, une rumeur a affolé la branche, selon laquelle la Suisse se trouverait boutée hors du programme Media pour cette année. De fait, la participation de la Suisse à cette structure européenne bascule dans une incertitude qui inquiète certains producteurs et distributeurs.
Media forme un ensemble d’appuis à la production et la distribution de films. Du scénario jusqu’à la sortie en salle, les œuvres peuvent recevoir une somme de l’UE, alimentée par les contributions des pays participants. Les distributeurs, en particulier, bénéficient de soutiens non négligeables, voire vitaux s’ils misent sur le cinéma européen et veulent promouvoir la diversité. La Suisse est membre à part entière de Media depuis 2006. Sa présence a donné lieu à des négociations parfois tendues, à propos, notamment, de publicité à la TV, où l’UE a exigé des assouplissements des règles helvétiques. En 2013, année de conclusion du dernier programme en date, la Suisse a versé 7,6 millions de francs au fonds commun.
«Un coup mortel»
Dès cette année, la Commission a voulu intégrer Media dans un plan plus vaste, Creative Europe, doté de 1,4 milliard d’euros pour sept ans, dont près des deux tiers bénéficieront à l’audiovisuel. Puisqu’il s’agit d’une nouvelle démarche, Suisse et UE doivent renégocier leur accord à ce sujet. Du fait de lenteurs des deux côtés, le statut de la Suisse n’est pas défini à ce stade. A l’agence européenne qui s’occupe de Media, on signale seulement que la liste des pays non-membres éligibles est en cours d’élaboration. Cette position peu claire fait craindre une «année blanche», qui «porterait un coup mortel» à certaines sociétés, selon un professionnel. A présent, les producteurs ou distributeurs suisses ne savent pas s’ils peuvent demander des soutiens à Bruxelles. Selon la conseillère d’Etat jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, présidente de la Commission fédérale du cinéma, une année blanche serait «très dommageable, non seulement pour les compensations financières, mais pour le maillage du cinéma suisse en Europe». La ministre veut toutefois nuancer: «Sur le plan politique, il ne faut pas céder à la fébrilité.»
A l’Office fédéral de la culture (OFC), Laurent Steiert, responsable suppléant de la section cinéma, balaie tout lien avec les difficultés politiques de la Suisse avec l’UE: «Nous discutons bien davantage de questions techniques. Nous attendons que la Commission établisse son mandat de négociation. Nous ne sommes pas pessimistes, pas naïfs non plus: ces procédures prennent du temps.» En attendant, l’OFC encourage les professionnels à postuler. «Nous croyons à la rétroactivité des démarches», affirme le responsable. Au bureau spécialisé Mediadesk, à Zurich, la responsable Corinna Marschall veut aussi «mettre en garde contre tout alarmisme. Je conseille à chacun de soumettre ses projets». Dans le contexte actuel, une telle assurance ne rassure pas tout à fait.