La journée de mercredi sera longue. L’Assemblée fédérale se réunit à 8 heures dans la salle du Conseil national. Les 46 conseillers aux Etats prennent place sur les sièges qui leur sont réservés à l’arrière de l’hémicycle. Ils s’y regroupent par canton, indépendamment de leur appartenance politique. La séance débute avec la lecture des lettres de démission d’Eveline Widmer-Schlumpf et de la chancelière Corina Casanova, à qui il est rendu hommage.

On passe ensuite à l’élection des conseillers fédéraux, un par un, par ordre d’ancienneté. Doris Leuthard ouvre les feux. Sa réélection n’est qu’une formalité. Néanmoins, comme il s’agit d’un scrutin à bulletins secrets, chacun des 246 grands électeurs – qui ne sont que 245, le bourgeois-démocrate bernois Urs Gasche étant absent pour raisons de santé – doit remplir son bulletin, le glisser dans l’urne et les scrutateurs doivent procéder au dépouillement. Cette procédure dure environ 20 minutes pour chaque élection.


Dessin. Le coup de crayon de notre dessinateur Chappatte

Chapitre


Après Doris Leuthard, c’est au tour d’Ueli Maurer d’affronter le corps électoral. Suivent, dans l’ordre, Didier Burkhalter, Simonetta Sommaruga, Johann Schneider-Ammann et Alain Berset. Tous sont reconduits dans leur fonction en un seul tour de scrutin, avec des résultats variables. Aucun parti ne se risque à créer un clash avant d’arriver au plat de résistance de la journée: la succession d’Eveline Widmer-Schlumpf.

On devrait y arriver à partir de 10h30. L’élection elle-même est précédée de déclarations de chefs de groupe, à commencer par celui de l’UDC, Adrian Amstutz, qui défend le triple choix proposé par son parti et profère quelques menaces de circonstance pour le cas où l’Assemblée fédérale serait tentée d’accorder sa préférence à un outsider.

Et c’est là que le suspense commence. Comme le veut la procédure, les deux premiers tours sont libres. Personne n’est éliminé au premier round. Il faut en revanche avoir reçu plus de dix voix pour aller au-delà du second. A partir du troisième, aucune nouvelle candidature n’est admise et, à chaque tour, celui qui a obtenu le moins de voix est éliminé. Cinq scénarios sont possibles.


 Scénario 1  Un candidat officiel est élu

Si, au terme du second tour, seuls les trois candidats officiels sont encore en lice, le moins bien classé disparaît au troisième et la finale se joue au quatrième entre les deux autres.

Si la personne choisie par l’Assemblée fédérale se nomme Thomas Aeschi, Guy Parmelin ou Norman Gobbi, la journée se poursuit avec la désignation du chancelier de la Confédération – seul le démocrate-chrétien Walter Thurnherr est candidat –, la prestation de serment du nouveau gouvernement, l’élection du président de la Confédération pour 2016 – Johann Schneider-Ammann – et de la vice-présidente – Doris Leuthard. Et l’on conclut la matinée autour de 13 heures par l’apéritif de circonstance, offert par le canton de provenance du nouvel élu, et les repas de groupe.


 Scénario 2  Un outsider s’ajoute à la liste

Le camp rose-vert rêve de trouver un outsider. D’une part, parce que les trois candidats officiels, que les Verts n’ont pas auditionnés et que le PS n’entend que mardi après-midi, ne le convainquent pas. D’autre part, parce que de nombreux élus sont remontés contre la clause statutaire de l’UDC qui prévoit l’exclusion de celui qui accepterait son élection sans l’assentiment du parti. Qui? Heinz Brand hors course, les regards se tournent en particulier vers les Schaffhousois Thomas Hurter – très discret sur le sujet – et Hannes Germann et le Thurgovien Roland Eberle.

Mais un bon plan secret ne fonctionne que s’il reste secret jusqu’à la dernière minute. D’ici à mercredi matin, les stratèges du centre gauche s’ingénient à dénicher la candidature que personne n’attend. Il n’est pas sûr qu’ils y parviennent. PS et Verts votent vraisemblablement en nombre pour quelqu’un d’autre que les trois officiels. S’ils accordent assez de voix à ce prétendant malgré lui, il faut un tour de plus. Si, lors de la phase finale, qui peut opposer un officiel à cet outsider, l’officiel est tout de même désigné, la journée se poursuit comme prévu, mais avec un décalage temporel important.


 Scénario 3  Un outsider est élu et accepte

On ne peut exclure que le camp rose-vert et les partis du centre accordent assez de suffrages à cet outsider pour le faire élire. S’il accepte de siéger au gouvernement, l’UDC ne peut que l’exclure immédiatement, puisque c’est ce que prévoient les statuts modifiés en 2008 après l’éviction de Christoph Blocher et son remplacement par Eveline Widmer-Schlumpf.

Il devient alors un hors parti et négocie ensuite son intégration dans une autre formation politique. Le groupe UDC se réunit en urgence pour se déterminer sur ce résultat et décide s’il accepte de rester représenté par un seul des siens au Conseil fédéral.


 Scénario 4  Un outsider est élu et consulte

L’outsider élu monte à la tribune et demande une interruption de séance. Il veut discuter avec son parti, car il sait que, s’il est désigné sans être présenté officiellement, il risque l’exclusion. L’interruption peut être plus ou moins longue. Le groupe UDC se réunit. Il peut décider d’accepter l’élection malgré tout. Mais comme les statuts prévoient l’exclusion immédiate, il doit régler cette question.

Une seconde clause prévoit en effet que la personne peut être réintégrée à la condition que le groupe parlementaire et le comité central en décident ainsi à la majorité des deux tiers. Le groupe peut se prononcer rapidement. Le comité central, c’est une autre affaire. Il ne siège en principe que quatre fois par an. Il faut en convoquer les 120 membres, ce qui n’est pas simple. C’est précisément pour démontrer cette absurdité que le camp rose-vert examine la possibilité de faire passer un outsider.


 Scénario 5  Un outsider est élu et refuse

L’outsider choisi par l’Assemblée fédérale refuse son élection, en ayant consulté son parti ou non. Dans les deux cas, une interruption est inévitable. Il faut tout recommencer. Une nouvelle élection peut avoir lieu le lendemain, plus vraisemblablement la semaine suivante, car le groupe UDC doit reconsidérer la situation. De nouvelles tractations s’ouvrent entre les dirigeants des partis. Selon Mark Stucki, porte-parole des Services du parlement, cela ne devrait pas remettre en cause la réception du nouvel élu dans son canton, prévue le jeudi 17 décembre. Mais ça deviendrait très serré.