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Le climat divise l’UDC

Le premier parti de Suisse est en retrait sur la question environnementale. Parmi ses membres, certains agrariens appellent à la prendre davantage au sérieux

Quelles cartes jouer sur la question climatique? La question agite le parti de droite. — © Keystone/Christian Beutler
Quelles cartes jouer sur la question climatique? La question agite le parti de droite. — © Keystone/Christian Beutler

«Le réchauffement, vous y croyez ou non?» «Oui, absolument. C’est un problème très grave», dit Ueli Maurer. Enregistré par la RTS, l’entretien date du 31 juillet. Ce mercredi, le ministre des Finances a enfoncé le clou sur une télévision alémanique: «Le temps se réchauffe et nous devons nous demander s’il sera possible de vivre en Suisse comme aujourd’hui dans cent ans. Nous devons clairement prendre des mesures.» Lesquelles? Le président reste évasif.

Ses deux interventions sur le sujet tranchent toutefois avec les positions climatosceptiques de la direction du parti, dont son président, Albert Rösti: «Les partis de gauche ne parlent que du climat», répétait encore le Bernois en juin dernier, lors de l’assemblée des délégués de l’UDC: «C’est ce que nous appelons l’arnaque écolo-socialiste contre la classe moyenne. Regardez-moi ce beau temps! On entend partout qu’il fait chaud mais c’est normal! Profitons!» Entre ces deux discours, à quel saint l’électeur UDC doit-il se vouer?

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Sans CO2, misère, guerre et mort

En mai, le parti rédigeait un document interne intitulé «Argumentaire sur l’hystérie climatique». Il fournissait une appréciation claire de sa conception du dossier: «Les manifestations actuelles concernant le climat sont des actions de mineurs instrumentalisées. Il n’existe aucune raison valable de parler d’un état d’urgence climatique.» Cette vision est défendue en plus haut lieu par le président du parti, Albert Rösti, mais également par Roger Köppel, conseiller national et rédacteur en chef de la Weltwoche. L’ultra-conservateur en a même fait sa marque de fabrique.

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Sur Twitter, Roger Köppel s’exprime ainsi quotidiennement sur le sujet. Ce mercredi encore: «Je suis contre l’abus du changement climatique pour mettre en place une politique marxiste d’expropriation, d’économie planifiée et d’interdiction du CO2 qui, mise en place à l’échelle planétaire, provoquerait la misère, les guerres et la mort», affirme le Zurichois. Le ton est donné, peu propice à la discussion nuancée. Cette manière de voir les choses commence cependant à fatiguer certains membres du parti, notamment en Suisse romande.

Le fossé idéologique interne se creuse

«Quand on vit au centre de Zurich, explique Yvan Perrin, il y a des réalités auxquelles on n’est pas confronté.» Candidat UDC au Conseil national, l’ancien ministre neuchâtelois concède avoir «du mal à suivre les membres de son parti qui considèrent le réchauffement climatique comme une blague». «Au sein de l’UDC, le fossé est large, surtout entre villes et campagnes, remarque-t-il. Nous avons deux visions du sujet différentes, voire opposées. Je ne crois pas que la question climatique ne soit qu’une mode. Si nous ne voulons pas laisser de cadeau empoisonné aux générations futures, des mesures sont désormais nécessaires.» Grand défenseur des paysans – parmi les premiers touchés par les sécheresses récurrentes –, le parti propose-t-il quelque chose en la matière?

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«Le monde agricole se sent attaqué par les revendications vertes, répond Yvan Perrin. Les paysans consomment pourtant leurs propres produits et doivent tirer un revenu de leur terre; ils n’ont aucun intérêt à bousiller leur domaine ou à abuser des pesticides. Ce que fait l’UDC, c’est leur faire confiance. Ces gens travaillent la terre tous les jours, ce sont les meilleurs experts. Ils ont beaucoup à apporter dans le combat contre le réchauffement.» Et c’est là que le parti des agriculteurs manque une occasion de s’approprier le débat, considère Pierre-André Page, conseiller national fribourgeois.

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«Nous communiquons mal»

«A travers sa politique de soutien aux paysans, le parti combat le changement climatique depuis longtemps, martèle-t-il: «Nous cherchons des variétés de plantes qui répondent mieux à la sécheresse, des solutions d’arrosage plus économiques, des manières de préserver les sols, d’isoler les maisons. Il est faux de dire que nous ne faisons rien. Nous faisons beaucoup pour la nature, mais nous communiquons mal. C’est une erreur.» Le paysan salue les marches des jeunes pour le climat, «une bonne chose», et regrette la mauvaise image de l’UDC dans les villes.

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Parmi les seuls membres du parti à avoir défendu la Stratégie énergétique 2050 – ce qui lui a valu «des remontrances» –, Pierre-André Page souligne la difficulté d’être écouté sous la coupole en tant que «petit Fribourgeois face à 20 Zurichois». Il revendique toutefois sa connaissance du sujet, acquise sur le terrain: «Je travaille avec la nature tous les jours, insiste-t-il. Mettre la faute sur les immigrants, qui consommeraient de l’eau chez nous, ce n’est pas ça qui va changer quoi que ce soit au réchauffement climatique. Ce phénomène s’accélère, on ne peut pas le nier. Il faut agir. L’UDC le fait justement! Mais nous devons mieux informer sur nos actions.»

Son conseil n’a vraisemblablement pas encore atteint les oreilles d’Albert Rösti. A deux mois des élections fédérales, le président avait convoqué la presse ce mardi. Au programme: «L’immigration démesurée». Le climat n’a pas été mentionné une seule fois.

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