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Clivage générationnel entre ministres vaudois

A peine élu, le Vert François Marthaler tient déjà un discours d'homme d'Etat face à la fonction publique. Il renforcera le pôle réformateur du gouvernement. Quelle que soit leur couleur politique, les quatre plus jeunes et plus récents élus savent que le canton ne s'économisera pas de bouleversements structurels.

Curieux Conseil d'Etat vaudois. Philippe Biéler, qui va le quitter, est son dernier membre ayant dirigé plus d'un département. Les autres ont gouverné en ligne droite, rivés au bureau trouvé lorsqu'ils ont été élus. Ce qui n'est guère surprenant pour Anne-Catherine Lyon, Pascal Broulis et Pierre Chiffelle, nominés de 2002 qui terminent leur apprentissage exécutif, mais étonne chez Jacqueline Maurer, Jean-Claude Mermoud et Charles-Louis Rochat. Certes, la stabilité du dernier tient moins de la vocation que du fatalisme, mi-dictée par le soulagement d'avoir fait le tour du mammouth santé-social, mi-relevant de l'esprit de sacrifice consistant à ne pas infliger pareille découverte à un autre. En revanche, la radicale et l'UDC apparaissent coulés dans une routine tranquille rappelant d'autres époques.

Faut-il profiter de l'arrivée de François Marthaler pour changer la donne? A droite, il y a des velléités en ce sens qui relèvent de divers calculs. D'abord celui de «récupérer les Infrastructures» et de répondre aux vœux de syndic et municipaux jugeant que bâtir est devenu trop compliqué. Dans cette optique-là, Charles-Louis Rochat abandonnerait hôpitaux et assurances au nouveau venu, certainement sans regret. Mais l'équilibre des «gros départements» (Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) à gauche, et de la santé et de l'action sociale (DSAS) à droite) s'en trouverait rompu. Une autre réflexion consiste à laisser le libéral à ses cartes sanitaires et à confier les Infrastructures à Jean-Claude Mermoud. François Marthaler reprendrait le Département de la sécurité et de l'environnement (DSE). Pas sans cohérence, mais l'UDC aime la police qui colle si bien au côté «loi et ordre» du parti.

Plus compliqué: pour certains, la droite devrait se préparer au «Département présidentiel» que la nouvelle Constitution créera en 2007. Jean-Claude Mermoud devrait donc se déplacer vers le Département des institutions et relations extérieures (DIRE) en arguant de son droit d'ancienneté pour le prendre à Pierre Chiffelle. Mais les deux départements transversaux (Finances et Institutions) se trouveraient dans le même camp, l'équilibre du programme de législature serait rompu et son avenir passablement compromis. Finalement, et dans une filiation que tous deux ont d'ailleurs établie, François Marthaler a toutes les chances de succéder à Philippe Biéler et de reprendre le DINF.

Aucune rocade d'ailleurs ne comblera l'évident fossé du Conseil d'Etat: celui des générations. En politique elles se succèdent vite, dépendant moins de l'âge que des références. Or, Jacqueline Maurer et Charles-Louis Rochat surgissent du passé. Tous deux sont d'ex-députés disciplinés, propulsés au Conseil d'Etat par la notoriété de la présidence du Grand Conseil, doublée pour l'une de la maladie de son prédécesseur Jacques Martin, pour l'autre de la cacophonie de socialistes acharnés à évincer Jean Jacques Schwaab. Jean-Claude Mermoud vient de plus loin encore, du coup de force contre Pierre-François Veillon, et du sursaut des campagnes face à l'affront fait à «leur» représentant. Aucun n'a planifié une telle carrière. Leurs volontés réformatrices sont faibles, même la majorité 5-2 que tous trois ont connue leur a moins donné d'envies que de nostalgie de temps moins incertains.

Ce qui n'est pas le cas des benjamins. Député à 25 ans, conseiller d'Etat à 37, Pascal Broulis a autant voulu son siège qu'un recentrage radical ouvrant au parti de nouvelles possibilités manœuvrières. Sans les éclats de voix de son prédécesseur, il est arrivé à un budget qui utilise cet espace, et il ne part pas battu dans son combat pour l'impôt successoral. Le parcours atypique d'Anne-Catherine Lyon se remarque. Même face aux institutions sociales, elle n'abdique pas devant le dogme de la subvention automatique. Plus surprenant, Pierre Chiffelle tient le flanc gauche. Lui qui a écarté de son chemin Jean Jacques Schwaab et Francine Jeanprêtre reste légaliste sur le front de l'asile. François Marthaler s'annonce comme un renfort dans ce camp-là. Succédant à un Philippe Biéler usé, aux ambitions politiques réduites de longue date au M2, il a d'emblée mis les choses au point. Face aux manifestations des fonctionnaires, c'est le conservatisme de la fonction publique qui l'étonne.

Il y a peut-être un avenir financier dans le développement durable. En attendant, libéraux et radicaux doivent songer à ce progressisme-là en préparant les élections à venir. Les premiers en regrettant d'avoir grillé Jacques-André Haury dans une inutile primaire interne en 2001, les seconds en cherchant activement de la relève. On pourra reparler d'oppositions idéologiques quand les réformes structurelles (institutionnelles, hospitalières, d'agglomération…) de ce canton auront été faites.