Le comité de l'initiative sur les multinationales responsables prêt à retirer son initiative
éthique
Dans le but de remporter une première bataille le 14 juin prochain, les initiants promettent de retirer leur texte si le Conseil national approuve le contre-projet de sa commission

Le comité de l’initiative pour des multinationales responsables se déclare ouvert au compromis. Dans une lettre adressée aux 200 membres du Conseil national, il s’engage à retirer son texte si la Chambre basse approuve le contre-projet envisagé par sa Commission des affaires juridiques (CAJ). Celle-ci a intégré l’initiative dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme. «Malgré des concessions importantes, une telle législation permettrait d’améliorer la situation des personnes victimes de violations», écrit-il.
Dans leur lettre, les deux coprésidents du comité d’initiative, l’ancien sénateur tessinois Dick Marty et Monika Roth, préviennent cependant: «Nous tendons la main une dernière fois, car la portée du contre-projet a déjà été restreinte plusieurs fois.» Le message au monde politique est clair: c’est à prendre ou à laisser.
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Rapport accablant du Seco
Portée par plus de 80 ONG, l’initiative réclame des multinationales ayant leur siège en Suisse qu’elles mettent un terme aux violations des droits humains et aux atteintes à l’environnement commises à l’étranger. La Suisse est le 9e pays le plus fréquemment concerné par les dénonciations de violations des droits de l’homme. Et comme un rapport du Seco estime que seuls 5% des entreprises respectent les principes directeurs de l’ONU à ce sujet, la gauche n’est plus seule à estimer qu’il est urgent d’agir.
Sous l’impulsion de deux personnalités de droite et du centre – le professeur zurichois Hans-Ueli Vogt (UDC/ZH) et Karl Vogler (PDC/OW) –, la CAJ du Conseil national a planché sur un contre-projet, une démarche soutenue par sa commission sœur du Conseil des Etats. Au terme de cinq séances parfois très longues et laborieuses, elle a fini par accoucher d’un texte forcément édulcoré.
Un contre-projet en guise de compromis
Le contre-projet a restreint le champ d’application de l’initiative. Le devoir de diligence des multinationales ne touche plus désormais que les entreprises de plus de 500 employés et au chiffre d’affaires de plus de 80 millions de francs. En outre, la responsabilité des entreprises relative aux sociétés qui leur sont uniquement économiquement dépendantes a été exclue. Concernant enfin les violations des droits humains, le contre-projet les circonscrit aux atteintes à la vie, à l’intégrité corporelle et à la propriété.
«Nous avons travaillé dans un état d’esprit très constructif dans tous les partis», relève avec satisfaction Lisa Mazzone, membre de la CAJ. «Mais le texte du contre-projet n’a cessé d’être affaibli. Il s’agit du minimum qui est acceptable à nos yeux», ajoute-t-elle. «C’est désormais un compromis raisonnable», estime pour sa part Karl Vogler. Il est soutenu par l’association faîtière romande qu’est le Groupement des entreprises multinationales (GEM). «Aujourd’hui, toutes les entreprises multinationales publient des rapports sur le respect des normes sociales et environnementales. Il est normal de soutenir un contre-projet qui va dans ce sens», note le secrétaire de cette association, Arnaud Bürgin.
L’opposition de l’UDC et d’Economiesuisse
A droite pourtant, l’opposition s’annonce rude. A l’UDC, Hans-Ueli Vogt est bien le seul à soutenir un contre-projet pour lequel il s’est pourtant battu comme un lion. Claudio Zanetti (UDC/ZH) estime que le contre-projet, tout comme l’initiative, va dans la mauvaise direction: «Ce n’est pas à la Suisse de dire à d’autres pays quels sont les standards qu’ils doivent appliquer en matière de droit du travail et d’environnement. C’est une forme de colonialisme», tranche-t-il.
Au sein du PLR, les avis sont partagés, mais une assez nette majorité se dessine contre le contre-projet, pour diverses raisons. Olivier Feller (PLR/VD), à l’instar de la faîtière Economiesuisse, tient à séparer le traitement de l’initiative du droit de la société anonyme. Quant à Philippe Bauer (PLR/NE), il ne cache pas son scepticisme sur le fond: «Le fait d’introduire une responsabilité sur des activités économiques à l’étranger pose des problèmes d’insécurité juridique pour lesquels nous n’avons pas de réponse.» En revanche, Hugues Hiltpold (PLR/GE) entre en matière: «Le risque d’acceptation de l’initiative est relativement grand, parce que la population est sensible au fait que certaines multinationales ne sont pas irréprochables. A cet égard, le contre-projet est pragmatique.»
Au Conseil national ce jeudi 14 juin, l’issue du débat est très ouverte. En se déclarant d’accord de retirer son initiative, le comité pour des multinationales responsables joue un atout qui pourrait lui permettre de remporter cette première bataille.