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Le comité «non à l’État fouineur» maintient le référendum

Pour le comité référendaire de gauche, les attentats de Paris prouvent que «la surveillance de masse est inefficace». Le référendum contre la loi sur le renseignement ira jusqu’au bout. Même si l’échec est programmé

Alors que le Palais fédéral était illuminé aux couleurs françaises, lundi, la gauche n’envisage pas de retirer le référendum contre la loi sur le renseignement malgré les attentats de Paris. — © Keystone
Alors que le Palais fédéral était illuminé aux couleurs françaises, lundi, la gauche n’envisage pas de retirer le référendum contre la loi sur le renseignement malgré les attentats de Paris. — © Keystone

Malgré les attentats de Paris, il n’est pas question de suspendre la récolte des signatures pour le référendum contre la loi sur le renseignement. Même si, admet la coprésidente des Verts Adèle Thorens, dans le climat actuel, il sera difficile de faire passer les arguments contre un renforcement des moyens attribués au Service de renseignement (SR). Pour le socialiste jurassien Pierre-Alain Fridez, «la gauche va une fois de plus au casse-pipe.»

Le président de la Jeunesse socialiste suisse (Juso), Fabian Molina, estime qu’avec 20 000 signatures, le référendum a toutes les chances de passer la barre des 50 000 avant la date fatidique du 16 janvier. Lancé par un comité référendaire composé de la Juso, des Verts, des jeunes Verts, du parti Pirate, du Groupe pour une Suisse sans armée, du Parti du travail, le référendum «contre l’Etat fouineur» devrait encore recevoir l’appui du Parti socialiste lors de son assemblée des délégués du 5 décembre. Son comité directeur en a déjà fait la recommandation.

La gauche reproche à la loi de déboucher sur le soupçon généralisé et la surveillance de masse. Alors que la loi n’autorisait que la surveillance des sources accessibles à tous, le nouveau texte, avec la possibilité d’introduire des chevaux de Troie dans les ordinateurs, de déposer des micros dans des salles, d’espionner les communications téléphoniques, etc., «marque une étape supplémentaire vers la surveillance préventive de la sphère privée».

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«Menace concrète»

Même si la loi précise que le SR ne pourra mettre en œuvre les infiltrations, après autorisation du Département fédéral de la défense et du Tribunal administratif, que «s’il existe une menace concrète» ou que la gravité des faits le justifie. En fait, les Verts et la Juso auraient voulu que la surveillance et la prévention du terrorisme passent pour l’essentiel aux mains du Ministère public de la Confédération. Le PS avait posé des exigences de contrôle démocratique en large partie acceptées, admet le comité directeur du PS qui, néanmoins, dénonce le risque que chaque citoyen se fasse surveiller.

Une quinzaine de députés PS, dont une bonne partie des Romands, avait néanmoins accepté la loi, estimant que les garanties de contrôle, par une autorité de surveillance indépendante et une délégation parlementaire des commissions de gestion, étaient suffisantes. «Il faut assumer nos responsabilités. Il faut que les services de protection de l’Etat aient des moyens adaptés à l’évolution technologique», dit Pierre-Alain Fridez, membre de la Commission de politique de sécurité.

«Plus que jamais, nous avons besoin d’un débat démocratique pour savoir jusqu’où la population est prête à sacrifier une part de ses libertés face à la menace. Car ce qui est en jeu, comme après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, c’est la liberté. Certes, ce qui vient de se passer à Paris ne rend pas le débat plus facile, mais il est d’autant plus nécessaire», prévient Adèle Thorens.

Fabian Molina veut voir dans l’ampleur de la tragédie la démonstration que «la surveillance de masse, comme veut l’autoriser la loi, cela ne marche pas. La France avait tous les moyens à disposition, mais n’a pu empêcher ces assassinats. Il n’est pas question de laisser tomber nos valeurs démocratiques et nos droits fondamentaux pour une loi inefficace.» Selon Fabian Molina, la Juso aurait récolté 4000 signatures ce week-end, après les attentats, «car les gens ne croient pas que l’abandon de leurs droits fondamentaux changera quelque chose contre le terrorisme». C’est aux autorités pénales ordinaires, dans le cadre de procédures pénales ordinaires, d’agir contre le terrorisme, sur la base de soupçons étayés, dit le comité référendaire. «Le problème, dit Pierre-Alain Fridez, c’est que lorsque les preuves sont là, il est trop tard. Une fois de plus, la gauche ira à l’échec pour des motifs étrangers à la liberté qu’elle prétend défendre.»