Commentaire. Totems et tabous à Genève
Commentaire.
Genève est un village. Un de ses chefs en a administré vendredi une preuve qui a valeur ethnographique. Pierre Muller a révélé à la «Tribune de Genève» comment il surnommait Patrice Mugny, autre membre de l'exécutif communal: «Le Jivaro coupeur de tête».
Patrice Mugny est apparu malhabile ces dernières semaines dans la gestion de problèmes qui se posaient à la tête d'institutions dont il est le patron politique. Mais il faut lui rendre justice. Il n'est pas pire que ses collègues du Conseil administratif. Il peut paraître brutal, et sans doute l'est-il dans diverses circonstances. Mais on voit se dessiner chez lui une conception progressiste du service publique. Cela ne laisse pas d'étonner venant d'un Vert d'extrême gauche.
Car pour sa part, il est courageux de revendiquer le droit de licencier les cadres en inadéquation avec leurs responsabilités. En prêtant l'oreille, on croit même déceler dans les propos de Patrice Mugny le début d'une critique des dimensions improductives de l'administration.
Ainsi a-t-il rendu accessible sur Internet la composition des commissions qui distribuent la manne culturelle de la Ville. Il a aussi remis en question des subventions, jusqu'à en couper quelques-unes. Mais sur cette voie, Patrice Mugny l'admet: il fléchit déjà face à la contre-offensive des tribus de la culture genevoise. Elles sont si puissantes qu'il leur donne des gages: oui, il défendra un nouveau projet architectural pour le Musée d'ethnographie estimé à 60 millions de francs.
Soixante millions pour quoi, pour qui? Soixante millions pour la vieille équipe des ethnographes qui veulent des kilométrages de rayons afin d'exhiber leurs récoltes d'objets exotiques. Ceux-là même qui l'ont emporté sur un directeur qui, lui, voulait faire du village genevois le vrai, le nécessaire sujet d'étude.
Un constat peu à peu s'impose à Genève: le pouvoir est en crise. Il est temps que les ethnologues, comme beaucoup d'autres, sortent de leur musée.