Collaboration difficile
«Il est inquiétant de constater à quel point il devient difficile de travailler avec les autres pouvoirs», remarque le député libéral Renaud Gautier. Membre de la commission, ce dernier vient tout juste de remettre son rapport annuel au Grand Conseil. Il y décrit l'activité déployée (visites des divers lieux de détention et auditions des responsables) ainsi que les préoccupations toujours plus vives face aux conditions carcérales.
Plus polémiques sont les remarques concernant la dégradation des relations avec le judiciaire d'une part - qui dans un premier temps a refusé aux experts l'accès à ses dossiers avant que des assouplissements ne soient promis - et l'exécutif d'autre part, dont Renaud Gautier se dit plus généralement «las de l'autoritarisme».
Les fuites de la discorde
Ce différend avec Laurent Moutinot n'est pas lié au travail des experts, pour qui il a levé le secret de fonction des policiers, et remonte au mois d'octobre. En réaction à des fuites ayant alimenté la presse sur les problèmes rencontrés à Champ-Dollon, fuites que la commission imputait à des fonctionnaires du département concerné, celle-ci avait décidé de ne plus transmettre les procès-verbaux de ses séances au conseiller d'Etat.
«Un reproche peu crédible», réplique le magistrat socialiste qui confirme avoir demandé à Monica Bonfanti de ne pas se rendre à l'invitation de la commission tant que la transmission des informations ne sera pas rétablie. Les députés, qui voulaient faire connaissance avec la nouvelle cheffe de la police et lui exposer certains soucis relatifs aux cellules des postes et au transport des détenus, déplorent «cette mesure de rétorsion».
Le ton monte
Le ton est monté d'un cran suite à l'avis rédigé par la direction des affaires juridiques de la Chancellerie. Selon cette analyse, le chef du Département des institutions a un «droit inconditionnel de se voir communiquer les procès-verbaux». Il est donc légitimé à refuser toute levée du secret de fonction à ceux placés sous son pouvoir hiérarchique tant que la situation n'est pas rétablie.
L'irritation des «visiteurs» a atteint son comble à la lecture du chapitre consacré à d'éventuelles sanctions. «Il n'existe quasiment pas de dispositions pénales réprimant l'impéritie dans l'exercice de la députation», peut-on lire sous la plume du juriste Fabien Waelti.
Remarque inconvenante
Outrés de se voir ainsi traités d'incapables, les membres de la commission ont écrit leur indignation au bureau du Grand Conseil, lequel a pris la plume à l'intention du Conseil d'Etat pour relever «le caractère inconvenant de la remarque».
Sur le fond, ce même bureau estime que la décision de suspendre la diffusion des procès-verbaux est admissible si elle a pour but de faire respecter la confidentialité des travaux. Enfin, celui-ci appelle à la recherche de solutions à l'amiable pour sortir de ce type de conflit. Pour l'instant, c'est le statu quo. Le temps de la réconciliation ne semble pas encore venu.