L'ordonnance retient que le frère a commis «des actes d'abus de la détresse» sur les deux femmes. Au moment des faits, il «avait constaté que les deux plaignantes se trouvaient dans un état de tristesse, de désespoir et de perte de repères. Par ailleurs, les deux femmes (à l'époque toutes jeunes) le considéraient comme leur père spirituel, allaient à confesse chez lui et pouvaient se fier au fait qu'il était, selon ses vœux, astreint à la chasteté. Il en découle qu'il existait manifestement un lien de subordination et de dépendance», dont le prêtre «a profité de manière éhontée pour commettre les actes décrits par les victimes.» Ce délit est généralement puni par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Cependant, les faits dénoncés par l'official étant prescrits, aucune action pénale ne peut être entreprise. Le Ministère public a donc été contraint de classer la procédure.
Le 22 janvier 2008 Mgr Genoud, l'évêque du diocèse, avait relevé ce curé de son ministère après avoir pris connaissance de trois témoignages, dont un indirect, à charge contre lui. L'official du diocèse, l'abbé Nicolas Betticher, l'avait dénoncé au procureur général du canton de Genève, qui avait aussitôt ordonné une enquête. Une enquête canonique avait également été ouverte par Mgr Benoît Rivière, évêque d'Autun et responsable des Frères de Saint-Jean, dont la maison mère se trouve dans son diocèse.
A l'époque, le prêtre niait les accusations portées contre lui. A la suite de la publication dans Le Temps du témoignage des jeunes femmes abusées, la Communauté Saint-Jean avait annoncé publiquement son intention de porter plainte contre elles pour dénonciation calomnieuse. La Communauté avait aussi mandaté le médiatique avocat marseillais Gilbert Collard pour défendre ses intérêts.
Selon l'ordonnance, le prêtre «a reconnu avoir eu des gestes à caractère sexuel en 1991 et 1992» sur les deux plaignantes. Toutes deux venaient d'avoir 18 ans lorsqu'elles ont été abusées, sans qu'il y ait eu pénétration.
Recours possible
Le prêtre a «précisé qu'elles étaient à l'époque des jeunes femmes «en quelque sorte» dépressives. Il a reconnu que «dans certains moments de tristesse et de désespoir de leur part», il a pu avoir les gestes (qu'il admet aujourd'hui) qu'il estime être de «consolation». Il a affirmé que depuis lors, il n'a plus eu aucune expérience sexuelle avec quiconque.»
Postérieurement à son audition, le prêtre a déposé plainte pénale contre les inspecteurs de la police judiciaire qui avaient procédé à son interrogatoire, «affirmant qu'il aurait été contraint de signer un procès-verbal ne reflétant pas la réalité». En date du 11 septembre, il a toutefois retiré cette plainte.
Cependant, «l'ordonnance n'est pas encore exécutoire, et le délai de recours n'est pas échu, précise Me Pascale Erbeia, l'avocate du prêtre. Il est possible que notre client fasse appel, car il continue à contester les faits. En outre, le procureur n'avait pas à s'occuper d'une situation pour laquelle les faits sont prescrits.»
A la demande de Mgr Benoît Rivière, de Mgr Bernard Genoud et de l'évêque auxiliaire de Genève, Mgr Pierre Farine, les frères de la Communauté Saint-Jean ont dû quitter la paroisse Saint-François-de-Sales. Leur départ a été approuvé par le Prieur général de la Congrégation, le frère Jean-Pierre Marie. A la suite de l'enquête canonique ordonnée par Mgr Rivière, les trois évêques ont en effet constaté que la paroisse et la Communauté Saint-Jean étaient, «depuis des mois, au centre de pressions les plus diverses, internes et externes», écrivaient-ils dans une communication publiée au mois de juillet. Quatre nouveaux frères ont pris le relais depuis le 1er septembre.