Un «like» sur Facebook, geste anodin de prime abord, peut coûter cher. Le tribunal de district de Zurich a condamné lundi un homme à 40 jours amende à 100 francs avec sursis pour diffamation. L’internaute de 45 ans avait pressé le bouton «j’aime» à six reprises au bas de commentaires, qui dépeignaient le président de l’Association contre les usines d’animaux Erwin Kessler comme un «fasciste», un «antisémite» et un «raciste». Le défenseur de la cause animale a réagi en déposant plainte pour atteinte à l'honneur contre une douzaine d'individus ayant participé à cette discussion.

Il a obtenu gain de cause lundi contre l'un d'entre eux: même si l'internaute n’est pas l’auteur du commentaire diffamatoire, un «like» signifie non seulement qu’il approuve ce propos, mais aussi qu’il contribue à le diffuser, estime la juge Catherine Gerwig. «Avec le like, l’accusé s’approprie un contenu diffamant et le fait sien. Ces commentaires sont sur Facebook et donc accessibles à un grand nombre de personnes», justifie le tribunal. L’accusé n’a pas été en mesure de prouver que les attaques contre Erwin Kessler sont vraies ou fondées, malgré une condamnation du défenseur de la cause animale pour discrimination raciale par le passé. 

Nicolas Capt n’est pas surpris: «par analogie, le like est assimilé à l’approbation et la propagation d’un propos», explique l’avocat genevois. Ce verdict s’inscrit dans une «tendance à la responsabilisation de l’internaute», estime le spécialiste en droit des médias et des technologies de l’information. Mais il soulève davantage de questions qu'il n’en résout. «On ouvre une boîte de Pandore : que faire des retweet de propos problématiques? Au delà de la dissémination, difficile de déceler s'ils ont valeur d'approbation. Le citoyen n’est souvent pas conscient de son geste, lorsqu’il aime ou partage un commentaire. Dès lors, il y a un écart entre la perception de la population et ce jugement».

Pour Stéphane Koch, expert en réseaux sociaux, ce jugement a le mérite de mettre en évidence le potentiel dévastateur d'un simple clic, dans un cas de cyberharcèlement, par exemple: «Un like, même s'il doit être analysé dans son contexte, n'est pas un geste innocent. Il y a un travail à faire pour faire reconnaitre dans l'opinion publique la responsabilité de valider et partager un propos calomniant sur internet». Or la plupart du temps, les diffamations sur les réseaux sociaux restent sans suite: rares sont les victimes à déposer plainte.

Liberté d'expression menacée?

Ce cas a aussi beaucoup à voir avec la détermination d'Erwin Kessler, qui n'en est pas à son premier procès, à conduire l'affaire jusqu'au tribunal. Son association avertit sur son site: «Quiconque diffuse, partage ou like une calomnie contre nous sur Facebook sera conduit devant la justice». Amr Abdelaziz, avocat chargé de la défense d'une autre partie dans ce même dossier, s'inquiète de «l'impact d'une telle campagne juridique sur la société civile et sur la liberté d'expression. Les tribunaux doivent prendre garde à ne pas se laisser instrumentaliser dans des procédures indignes de se retrouver devant une cour». L'avocat met en garde contre la surenchère: «Les tribunaux n'ont pas vocation à être saisis à chaque fois que quelqu'un se sent lésé dans son honneur. Une atteinte à l'honneur doit avoir une certaine intensité pour être reconnue. Lorsqu'elle est le fait d'un individu lambda, qui n'a pas particulièrement de poids dans un débat public, on peut douter de cette intensité».