L’Office fédéral des migrations (ODM) n’a pas respecté la loi sur les marchés publics jusqu’en 2013. Entré en vigueur en 1996, ce texte impose de soumettre à un appel d’offres public les mandats attribués par une administration publique. Or, l’analyse détaillée faite par «Le Temps» de la liste des fournisseurs de la Confédération – obtenue et publiée par «Le Matin Dimanche» il y a dix jours – révèle que dans le domaine de l’asile, la société privée ORS Services était seule mandatée pour l’encadrement des migrants jusqu’en 2013. Entre 2011 et 2013, elle s’est ainsi vue attribuer 46 millions de francs de mandats de la Confédération. Il n’y avait jamais eu d’appel d’offres.

La liste des fournisseurs de la Confédération est publiée pour la première fois. Ces chiffres détaillés révèlent les dépenses de l’asile dans le détail et notamment le monopole de certaines entreprises d’accueil ou de sécurité qui remportent l’intégralité ou l’immense majorité des mandats.

La loi sur les marchés publics vise à garantir que l’administration choisisse la meilleure offre possible au niveau de la qualité et du prix afin d’utiliser au mieux l’argent du contribuable, mais aussi à assurer qu’il existe une égalité des chances entre les entreprises et à éviter le copinage.

21 acquisitions sur 25 sans appel d’offres

Selon le rapport annuel 2013 du contrôle fédéral des finances, sur 25 mandats attribués par l’ODM pour un montant global de 49 millions de francs, 21 avaient été attribués de gré à gré. Alors même que «la majorité de ces achats aurait dû faire l’objet d’appels d’offres». Ainsi, entre 2011 et 2013, ORS services était seule mandatée par la Confédération pour l’encadrement des migrants, pour des montants allant jusqu’à 18,8 millions de francs en 2013. Securitas, de son côté, touchait alors 20 millions de francs.

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Le 10 octobre de cette même année, l’Office fédéral des migrations publie un communiqué de presse pour indiquer que les mandats en matière d’encadrement, de sécurité et de patrouille ont été attribués à six entreprises différentes. Douze prestataires avaient déposé 23 dossiers suite au premier appel d’offres de l’histoire de l’office. Depuis, les mandats d’accueil ont été divisés entre deux sociétés: ORS Services, qui a touché 11 millions de francs de mandats en 2014 et Asyl Organisation Zürich qui a signé des contrats pour 12,9 millions de francs.

Les douanes aussi épinglées

Mais l’ODM n’est pas le seul service de la Confédération qui ne respecte pas la loi. L’Administration fédérale des douanes, par exemple, a aussi été épinglée dans un rapport du Contrôle fédéral des finances. «La majorité des achats contrôlés n’ont pas été effectués correctement, voire dans certains cas les règles du droit des marchés publics ont été enfreintes.» C’est pourtant l’une des plus grandes unités administratives de la Confédération, avec des achats pour quelque 100 millions de francs par an.

Contrôles insatisfaisants

Pourtant, l’Etat ne procède pas à des contrôles systématiques dans le domaine. Le Contrôle fédéral des finances a rendu un rapport fin 2015 sur l’instance chargée de contrôler les achats de la Confédération, l’Office des constructions et de la logistique. Cet organe «est dépourvu à ce jour de pouvoirs de décision, d’exécution et de contrôle», conclut l’audit. «La situation, dans le domaine des appels d’offres publics, n’est clairement pas satisfaisante», estime Michel Huissoud, directeur du Contrôle fédéral des finances.

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