Interdire la burqa dans l'espace public va trop loin. Le Conseil des Etats recommande le rejet de l'initiative de la droite dure. Il préfère régler la question via une loi qui dit dans quelles circonstances il est obligatoire de montrer son visage pour s'identifier.

Les sénateurs ont dit non par 34 voix contre 9 à l'initiative du comité d'Egerkingen intitulée «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage». Le contre-projet indirect, élaboré par le Conseil fédéral, a recueilli 35 voix contre 8. L'UDC et une socialiste ont voté pour l'interdiction de la burqa.

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Pour Thomas Minder (Ind./SH), il est nécessaire d'agir car la Suisse fait face à une islamisation rampante. Le contre-projet du Conseil fédéral n'est qu'un placebo. «Le port de la burqa et du niqab reflète des courants fondamentalistes de l'islam; cela ne correspond pas aux valeurs de notre démocratie», a renchéri Peter Föhn (UDC/SZ).

Problème de conscience 

Géraldine Savary (PS/VD) a également avoué que ce texte, bien qu'issu des milieux islamophobes, lui posait un sérieux problème de conscience. Pour l'un de ses derniers votes à Berne, elle a préféré suivre ses valeurs féministes: «Aucun dieu n'exige que les femmes s'enterrent vivantes sous un linceul noir», a -t-elle déclaré.

La majorité s'est toutefois ralliée à la solution du Conseil fédéral. Le voile intégral ne constitue pas un problème en Suisse, ont rappelé plusieurs orateurs. Soutenir une interdiction sans nuance reviendrait à être discriminatoire pour les musulmans, contreviendrait à la liberté de religion et constituerait une atteinte à la liberté individuelle.

Respecter l'autonomie des cantons

La plupart des cantons ont déjà des dispositions en matière de dissimulation du visage, notamment pour lutter contre le hooliganisme, a rappelé la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Il ne faut pas restreindre l'autonomie des cantons en la matière. Et la Suisse a déjà pris plusieurs mesures pour combattre l'extrémisme.

L'initiative pour interdire la burqa a été lancée par le comité d'Egerkingen, également à l'origine de l'initiative anti-minaret. Le texte veut interdire la dissimulation du visage dans l'espace public. Il vise les femmes portant la burqa ou le niqab et veut protéger leurs droits. Le comité invoque aussi la sécurité publique, ciblant les bandes de casseurs aux cortèges du 1er mai.

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Le contre-projet indirect élaboré par le gouvernement propose qu'une personne soit tenue de montrer son visage à des fins d'identification. A l'échelon fédéral, cela peut être exigé lors d'un contrôle de l'abonnement général dans les transports publics, une démarche auprès des autorités des migrations ou des assurances sociales ou à la douane. Le visage devra être découvert du front au menton.