Le Conseil fédéral a adopté mercredi le message sur la Politique Agricole 2014-2017 (PA 14-17). Celui-ci constitue la cinquième étape d’une vaste réforme débutée en 1992 avec la création d’une base légale permettant d’octroyer des paiements directs non liés à la production des agriculteurs, mais à leurs prestations environnementales. La PA 14-17, qui repose sur une modification de la loi sur l’agriculture et un arrêté fédéral sur les moyens financiers pour les années 2014-2017, mise sur l’innovation, l’accroissement de la compétitivité du secteur et de la qualité des produits. Elle a trois buts: renforcer la production agricole, augmenter les prestations écologiques, et améliorer le revenu de la population paysanne. Pour les atteindre, elle vise à rendre le système des paiements directs plus efficient. Sa principale nouveauté consiste à cibler les contributions sur les objectifs concrets qui figurent dans la Constitution (art. 104) et à rémunérer des prestations précises. Selon le Conseil fédéral, qui prévoit une enveloppe financière de 13 670 milliards pour quatre ans, la nouvelle politique agricole devrait aboutir à une baisse des coûts de production et à une augmentation du revenu sectoriel agricole de 110 millions de francs, soit de 4,2% par rapport à la situation actuelle.

Actuellement, le système distingue les paiements directs généraux et les paiements directs écologiques. Les premiers sont alloués en fonction de la surface d’exploitation et du nombre d’animaux gardés, les seconds en fonction des prestations écologiques fournies. Pas assez ciblé, ce système s’est révélé moins efficace que prévu. Par exemple, les exploitations peuvent réduire leur revenu au moyen d’investissements coûteux en machines et en amortissements, de manière à bénéficier de la manne de l’Etat. En outre, les progrès attendus en matière d’écologie et d’environnement stagnent depuis des années. Le système des paiements directs n’a pas permis à l’agriculture de réaliser ses tâches multifonctionnelles, notamment celles qui concernent la sécurité de l’approvisionnement, la conservation des ressources naturelles, l’entretien du paysage rural et le bien-être des animaux.

La PA 14-17 abandonne donc l’architecture actuelle à deux piliers des paiements directs généraux et des paiements directs écologiques au profit de la création de sept types de contributions focalisés sur des objectifs précis. La contribution générale pour le nombre d’animaux disparaît. Elle sera réallouée à la sécurité de l’approvisionnement et subordonnée à une charge minimale de bétail. Le Conseil fédéral a remarqué que les contributions pour les animaux créaient une incitation à augmenter les effectifs de bétail. L’intensification de l’élevage qui en résulte a des répercussions négatives sur les ressources naturelles vitales. Les terres cultivables ont diminué. Les émissions d’ammoniac n’ont pas été réduites de manière satisfaisante. Le phosphore, qui provient essentiellement des fourrages et engrais minéraux importés, continue à polluer les eaux.

La suppression de cette contribution devrait non seulement diminuer le cheptel de 8%, mais aussi les importations de fourrage, qui ont doublé en dix ans. Elle devrait aussi avoir pour conséquence une augmentation des surfaces de compensation écologique. En effet, le fourrage requiert une surface fertilisable. Les surfaces écologiques n’en sont pas. Du fait des contributions élevées qu’ils reçoivent pour l’élevage de bétail, les paysans ont tout intérêt à ne pas créer de telles surfaces. L’objectif des 65’000 ha de surfaces de compensation écologique fixé par la PA 2011 pour les régions de plaine n’a de loin pas été atteint.

Les contributions à la sécurité de l’approvisionnement, qui constitueront le plus gros poste du nouveau système, devraient rehausser l’attrait de la culture des champs et des cultures pérennes par rapport aux surfaces herbagères dévolues au bétail. Cet objectif, le Conseil fédéral y tient particulièrement dans un contexte international qui voit les ressources diminuer alors que la demande en denrées alimentaires va s’accroître ces prochaines années du fait de l’augmentation de la population et du pouvoir d’achat dans les pays en voie de développement.

La contribution générale à la surface, qui sert avant tout à garantir le revenu paysan, est supprimée. Les fonds dégagés seront réalloués à deux instruments. Une partie d’entre eux alimenteront les contributions au paysage cultivé, qui visent à maintenir un paysage rural ouvert en réduisant notamment l’enforestement. Ces paiements seront versés d’une manière plus différenciée en fonction des difficultés d’exploitation, en particulier pour les paysans travaillant sur des terrains en pente. Une autre partie des fonds financeront les contributions de transition qui seront octroyées aux agriculteurs pour atténuer les contraintes liées au passage au nouveau système. Des sept nouveaux types de contributions, celles qui favoriseront la transition sont les seules à ne pas être liées à des prestations. Elles seront octroyées sur une base personnelle et individuelle. Peu à peu, elles seront réduites et les montants ainsi débloqués seront investis dans les autres instruments.

Partant du constat que la diversité et la qualité du paysage cultivé se sont détériorées ces dernières années, la PA 14-17 introduit un nouvel instrument destiné à redresser la situation. Les contributions à la qualité du paysage encourageront de manière ciblée les prestations qualitatives de l’agriculture visant à maintenir un paysage diversifié. Aucun paiement direct ne sera versé pour les surfaces situées dans une zone à bâtir. Ce principe sera inscrit dans la loi.

Dans le domaine de la biodiversité, les instruments sont aujourd’hui déjà ciblés sur les objectifs. Les contributions à la biodiversité visent à focaliser les efforts sur la qualité et la simplification de l’exécution. Elles seront désormais également versées en région d’estivage. Les contributions visant à promouvoir des modes de production particulièrement en accord avec la nature et respectueux de l’environnement et des animaux ont fait leurs preuves et sont donc reconduits. La production extensive de céréales et de colza, l’agriculture biologique et les programmes favorisant le bien-être des animaux seront soutenus via cet instrument. Enfin, la PA 14-17 introduit des contributions à l’efficience des ressources, afin de les utiliser de manière plus durable.

Parmi les principaux changements législatifs, signalons que les principes de la souveraineté alimentaire et du bien-être des animaux seront inscrits dans la loi. Dans le domaine sensible du lait, la Confédération a prévu d’adapter la base légale relative aux contrats d’achat. L’interprofession du secteur laitier devra définir un contrat type d’achat de lait avec certaines prescriptions minimales concernant la durée du contrat, les quantités, les prix et les modalités du paiement. Cette mesure devrait endiguer la surproduction.

Lors de la procédure de consultation du projet, de nombreuses demandes de modification sont parvenues à Berne. Le Conseil fédéral a tenu compte des revendications des organisations paysannes en introduisant une contribution d’alpage pour les exploitations à l’année qui font estiver leurs troupeaux, dans le but d’assurer l’entretien des pâturages. Il a aussi augmenté les contributions à la sécurité de l’approvisionnement, les paiements directs pour la région de montagne et ceux dévolus à l’agriculture biologique.