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La contre-offensive d'un étudiant à la vacuité de la campagne électorale

Une jeune étudiant convainc 12 000 personnes de se payer une Une de 20 Minuten à 140 000 francs pour protester contre la vacuité de la course aux élections fédérales

Sur le site Wemakeit.com, Donat Kaufamnn critique la vacuité de la campagne.
Sur le site Wemakeit.com, Donat Kaufamnn critique la vacuité de la campagne.

Se payer la Une du journal «20 Minuten» en signe de protestation contre «l’absurdité de la campagne politique»: Donat Kaufmann, 26 ans, étudiant en philosophie à Zurich et musicien dans un groupe de rock, a réussi son pari, lancé le 22 septembre sur le site de financement participatif wemakeit.com. Il a battu un record sur cette plateforme avec 12288 contributeurs, pour 147 271 francs.

La plupart d’entre eux verront leur nom publié en Une du gratuit alémanique ce mercredi, avec ce slogan: «L’attention s’achète – notre vote non».

Ce jeune étudiant de Baden sorti de nulle part s’est attiré par la même occasion une vague d’attention en l’espace de 18 jours, avec son slogan «Y en a marre» («Mir langets!»).

Marre de cette campagne politique futile, qui se mène à coups de budget opaques et non avec des idées. Marre, aussi, de la «vénalité» des médias: «Qui a de l’argent peut plus facilement influencer les électeurs», critique le jeune homme. Des arguments qu’il distille dans une vidéo largement relayée durant deux semaines sur les réseaux et sur les sites des médias. En l’espace de 20 heures, il avait déjà récolté près de 13 000 francs.

«La volonté de 12 000 gens normaux a plus de valeur que celle d’un millionnaire», s’emballe une internaute sur Twitter, où l’on se félicite de «participer à la plus grande campagne de crowdfunding que la Suisse ait connue». Donat Kaufmann reçoit aussi sur les réseaux le soutien de politiciens, comme le socialiste zurichois Felix Hoesch, qui acclame joyeusement son initiative.

Parmi les voix discordantes, certains y voient un «UDC bashing de plus», quand d’autres estiment que les 20 Minuten ne mérite pas tant d’argent et de publicité.

Ainsi Mario Stübli, élu socialiste de la ville de Lucerne, s’offusque que tout cette somme finisse «dans la poche de Tamedia». «L’engagement est louable, mais les moyens ne sont pas les bons», critique le politicien, pour qui il faudrait plutôt «donner cet argent à ceux qui combattent l’UDC avec des arguments, des sentiments et du coeur». Certains internautes appellent le gratuit à donner les 138 815 francs, prix de la page de Une, à Reporter Sans frontières.

Mais c’est l’enthousiasme qui domine et contraste avec le peu d’engouement suscité par la campagne politique elle-même. La raison de ce succès? «C’est David contre Goliath. L’insolente réponse de la masse contre le geste calculé d’une seule personne. une idée qui fait bouger les choses», commente sur son blog Simon Hugi, politologue et observateur de la campagne.

Entre des clips musicaux ratés et des affiches aux slogans parfois creux ou abscons, Donat Kaufmann a fait mouche. C’est d’ailleurs une pleine page de publicité pour un clip musical UDC en Une du gratuit, parue le 15 septembre, qui avait déclenché le coup de gueule de l’étudiant de Baden.

Protester contre la vacuité et le manque de transparence de la campagne politique en employant les mêmes moyens que les partis: un concept simple, mais efficace, que Donat Kaufmann expose dans un langage limpide à l’aide une vidéo de trois minutes trente. Il n’en fallait pas plus pour trouver sur les réseaux une caisse de résonance et capter l’intérêt des médias. Et finalement, récolter un attention et un financement à faire pâlir de nombreux candidats.

«Nous avons soulevé beaucoup de poussière. Bientôt nous disparaîtrons de l’espace public. Reste à espérer que notre revendication de transparence et de contenu continue à exister et se manifeste dans des décisions politiques», écrit Donat Kaufmann à ses contributeurs le 12 octobre sur le site de wemakeit, finissant par cette injonction: «allez voter!»