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L’Association des communes suisses et la Haute Ecole spécialisée de Coire publient une étude et des propositions destinées à convaincre les jeunes de se lancer dans une carrière politique communale

Comment intéresser les jeunes à la politique? Les manifestations pour la protection du climat sont clairement un vecteur de politisation, mais cela suffira-t-il à les convaincre de s’engager et d’assumer des fonctions politiques, à commencer par l’échelon communal? L’Association des communes suisses (ACS), qui a fait du millésime électoral 2019 l'«année du travail de milice», se penche sur la question. Elle publie ce jeudi une série de 19 propositions visant à accroître l’attractivité du système de milice. Celles-ci ont été récoltées dans le cadre d’un concours d’idées. Ce catalogue est complété par une étude commandée à la Haute Ecole spécialisée technique et économique (HTW) de Coire. Intitulée «Promo 35», elle porte sur l’engagement politique des jeunes âgés de 25 à 35 ans dans les exécutifs communaux. Ce document liste 84 mesures recouvrant 19 domaines d’intervention possibles. Certaines idées se recoupent, d’autres se complètent.
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Les deux démarches parviennent à la conclusion que l’intérêt des jeunes pour un engagement en politique est bien réel, mais qu’il est freiné par le temps important qu’il faut consacrer à cette tâche et par la durée des mandats. Estimé à 20%, le potentiel de recrutement est jugé «plus élevé que prévu» par l’ACS. Conduite auprès de 602 communes alémaniques (40% de toutes les entités germanophones du pays), de 1000 jeunes de 25 à 35 ans représentant toutes les régions linguistiques et d’interviews menées auprès de jeunes actifs dans des exécutifs de six cantons alémaniques jugés représentatifs, l’enquête de la HES de Coire révèle que 90% des jeunes adultes n’ont encore jamais été sollicités pour exercer une activité politique dans leur commune. «Nous avons ciblé deux catégories de jeunes: ceux qui sont déjà des «bêtes» politiques engagées et ceux pour qui l’appartenance politique est secondaire», précise Curdin Derungs, responsable de l’enquête.
Former des influenceurs
La suppression de l’obligation de domicile dans la localité où l’on veut se montrer actif est l’une des idées phares du concours lancé par l’ACS. Les membres de l’exécutif d’une petite ou moyenne commune sont en règle générale des miliciens, à l’exception parfois du président ou de la présidente. Ils exercent une activité professionnelle en parallèle. Or, il arrive qu’ils doivent quitter leur lieu de domicile pour des raisons professionnelles «alors même qu’ils sont profondément attachés à leur commune», constate le rapport de l’ACS. Ces personnes devraient pouvoir conserver leur mandat de membre de l’exécutif, à condition bien sûr qu’elles n’en acceptent pas un second dans une autre commune. «Le but est que ces candidats capables, spécialisés et motivés puissent être trouvés», note le rapport.
Notre enquête confirme l’intérêt des jeunes pour se mobiliser concrètement dans le domaine de l’environnement et du climat
Curdin Derungs, responsable de l’enquête de l'ACS
Afin de sensibiliser les jeunes générations, certains suggèrent de rapprocher les conseillers communaux des écoles afin qu’ils expliquent directement aux élèves en quoi consiste leur travail et dans le but d’enregistrer leurs desiderata. D’autres mesures portent sur le parrainage des jeunes candidats et candidates et la formation d’influenceurs qui motiveraient leur entourage à se lancer dans une carrière politique.
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Intérêt de l’économie
La panoplie est large. L’étude de la HES de Coire ne porte aucun jugement de valeur sur les propositions recensées. Mais il s’agira maintenant, dans une deuxième étape, de se concentrer sur les dix meilleures. Celles-ci seront sélectionnées par un jury et le public sera invité à récompenser les trois qu’il estimera les plus pertinentes lors d’une manifestation qui aura lieu le 26 février à Zurich. Le maintien et la redynamisation du système de milice intéressent également l’économie, puisque le concours d’idées de l’ACS est soutenu par six compagnies d’assurances et plusieurs associations faîtières, en particulier Economiesuisse, Swissmem, Interpharma et Scienceindustries. En parallèle, les communes qui n’ont pas répondu au questionnaire de la HES ou n’ont pas été sollicitées par elle pourront accéder à la version numérique de l’enquête et faire part de leurs expériences. L’étude n’existe pour l’heure qu’en allemand, mais Curdin Derungs espère trouver le financement nécessaire pour la faire traduire en français et en italien afin que les collectivités locales latines puissent elles aussi partager leurs expériences et tirer profit de celles des autres.
Quels résultats peut-on attendre de ce travail de sensibilisation? La mobilisation des jeunes pour le climat a-t-elle des chances d’en convaincre certains de s’engager activement? «C’est au niveau communal que l’on peut faire bouger le plus de choses. Notre enquête confirme l’intérêt des jeunes pour se mobiliser concrètement dans le domaine de l’environnement et du climat. Il est l’un des premiers sujets d’intérêt pour eux, juste derrière la formation, le social, le sport et les loisirs. Cette enquête tombe donc au bon moment. En s’engageant dans une commune, on peut par exemple influencer des mesures telles que la renaturation d’un ruisseau», commente Curdin Derungs.
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Parmi les pistes évoquées, celle du traitement salarial revient fréquemment
Plusieurs propositions du concours d’idées de l’Association des communes suisses (ACS) et de l’étude Promo 35 de la HES de Coire portent sur l’aménagement du temps de travail des conseillers municipaux. Le nombre d’heures consacrées à ces tâches administratives et aux séances est en effet considéré comme l’un des principaux obstacles au recrutement de volontaires, jeunes ou moins jeunes. «L’obligation de s’engager pour une législature de quatre ans avec en prime des séances périodiques constitue souvent un frein à la carrière professionnelle», constate l’ACS.
L’uniformisation de l’indemnisation des politiciens de milice créerait davantage de transparence et de motivation
Participation aux séances à distance en vidéoconférence ou via un live chat, généralisation de la signature électronique afin de «viser les factures et les contrats du lieu de domicile ou n’importe où dans le monde», augmentation des décisions prises par voie circulaire sont quelques-unes des pistes suggérées. Il s’agit de tenir compte du monde globalisé. Cela permettrait notamment à des jeunes d’accepter un mandat électif tout en poursuivant leurs études, notamment à l’étranger, les deux étant jugés incompatibles. Un tel mandat pourrait d’ailleurs s’exercer dans le cadre d’un service civil. Le temps consacré au travail de milice politique pourrait aussi être pris en compte dans le service militaire obligatoire, évoque une autre proposition.
Plafonnement du nombre de dossiers
La question de la rémunération est souvent évoquée. Ici, on demande une allocation perte de gain pour les politiciens de milice. Là, on glisse l’idée d’établir un comparatif salarial entre les communes, tous jetons de présence, indemnités forfaitaires, et contributions aux assurances sociales inclus. «Souvent les indemnités versées au titre de travail de milice ne sont pas en adéquation avec les tâches communales, qui deviennent toujours plus complexes», note le rapport à l’appui du concours d’idées. Ce benchmark permettrait de «recruter et engager» davantage de volontaires et de mieux reconnaître leur travail en faveur de la collectivité. L’uniformisation de l’indemnisation des politiciens de milice créerait davantage de transparence et de motivation, estime-t-on.
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Certaines propositions paraissent d’entrée vouées à l’échec, comme le plafonnement du nombre de dossiers à traiter au cours d’une législature. «Les demandes qui servent à se profiler sur le plan politique n’ont ainsi plus leur place dans l’agenda», est-il suggéré. Bonne chance!