Dans les coulisses d’une crise inédite: les femmes et hommes qui suivent le virus à la Confédération
Coronavirus
D’abord plutôt passif face au coronavirus, l’OFSP d’Alain Berset a pris le commandement des opérations en étroite collaboration avec les cantons. Récit de la journée où tout a basculé

La communication de crise est un art difficile. Après avoir été très chahutés par le spécialiste des épidémies Christian Althaus dans la NZZ, Alain Berset et son Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont fait taire presque toutes les critiques en décrétant le degré de «situation particulière» et l’interdiction de tous les événements de plus de 1000 personnes. Mais ce n’est peut-être qu’un répit si l’épidémie devait vraiment se déclarer en Suisse.
Longtemps, les autorités sanitaires ont pu croire que la Suisse resterait plus ou moins épargnée par le coronavirus. Peu après la mi-janvier, le ministre de la Santé, Alain Berset, a un premier contact avec le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Certes, les médecins cantonaux se sont mis en mode «gestion de crise» depuis début février, mais durant plusieurs semaines encore, le coronavirus ne reste qu’une vague menace. Jusqu’à ce que le virus «explose» aux portes de la Suisse, en Lombardie, juste avant le week-end des 22 et 23 février.
La consultation éclair des cantons
Le jeudi 27 février restera dans les annales de la politique sanitaire suisse. Le matin, l’OFSP transmet aux cantons un projet d’ordonnance en leur demandant de se prononcer en guère plus d’une heure sur une mesure choc: durant quinze jours, toutes les grandes manifestations de plus de 1000 personnes sont supprimées. Bien qu’informés à l’avance de cette consultation éclair, les cantons saluent la démarche et transmettent leur réponse au comité directeur de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé (CDS). Leur signal est clair: «La santé publique ne se négocie pas», selon l’expression du Genevois Mauro Poggia.
Les ministres cantonaux sont unanimes. «L’OFSP gère bien le dossier», estime le Bernois Pierre Alain Schnegg. Confronté au problème de la grand-messe automobile, son homologue genevois Mauro Poggia abonde dans ce sens après deux contacts bilatéraux avec Alain Berset: «La Confédération a pris ses responsabilités en tenant compte des sensibilités exprimées par les cantons.» Même son de cloche chez Laurent Kurth à Neuchâtel: «L’OFSP a réussi à trouver un équilibre entre la nécessité d’alerter la population sur les mesures d’hygiène et celle de ne pas créer de mouvement de panique.»
Le plus dur est à venir
Entre l’OFSP et les médecins cantonaux, le courant passe bien, selon le Vaudois Karim Boubaker. Ils tiennent tous les jours une conférence téléphonique lors de laquelle ils échangent les dernières informations. Mais tous sont conscients que le plus difficile reste à venir. «Nous ne sommes pas encore dans la phase critique. Il faut en profiter pour nous préparer avec l’aide de tous nos partenaires, voire de la protection civile et de l’armée», dit Pierre Alain Schnegg. Laurent Kurth prédit que le nombre de cas positifs va croître de manière exponentielle. «Il va falloir prendre des mesures pour les personnes les plus vulnérables, notamment celles qui ont plus de 80 ans, pour lesquelles le taux de mortalité est le plus élevé. Nous y travaillons.»
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Prochain chantier à maîtriser: l’uniformisation des pratiques entre les cantons pour les manifestations de moins de 1000 personnes. «Il faut éviter le chaos généralisé», insiste Mauro Poggia. L’OFSP achève ces jours-ci une nouvelle procédure de consultation. Mais qui sont ses têtes dirigeantes, dont le visage est devenu familier aux téléspectateurs du TJ du soir? Portrait de trois d'entre elles.
Les éléments clés de la bande à Berset à l’OFSP
Pascal Strupler Agé de 60 ans, ce Haut-Valaisan dirige depuis dix ans l’Office fédéral de la santé publique, où il est accueilli froidement, car il n’est pas médecin, contrairement à son prédécesseur Thomas Zeltner. Un poste exposé, constamment sous le feu des critiques en raison de l’explosion des coûts de la santé. Mais Pascal Strupler a su travailler aussi bien avec Didier Burkhalter qu’avec Alain Berset. Il gère la crise du coronavirus avec discrétion, sachant s’effacer derrière ses spécialistes lorsque les questions se font pointues.
Daniel Koch Ce médecin de 64 ans est le seul à avoir participé à toutes les conférences de presse. Tous les observateurs lui reconnaissent compétence et sérénité. Durant quatorze ans, il travaille pour le CICR, par exemple lors de la guerre civile en Sierra Leone dans les années 1990. Puis il s’engage à l’OFSP, où il vivra au front toutes les épidémies, depuis celle du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) à la grippe aviaire. Au début de la crise, l’OFSP commet quelques erreurs dans sa communication, mais les critiques se sont tues depuis une semaine.
Virginie Masserey Spicher Elle est la voix romande de l’OFSP. Cette pédiatre infectiologue (55 ans) spécialisée en santé publique s’est formée dans les hôpitaux universitaires du CHUV et des HUG. Elle rejoint l’OFSP en 2002. Depuis quatre ans, elle dirige la section du contrôle de l’infection et des programmes de vaccination. Que ce soit à Berne ou au journal télévisé, elle rappelle dans un langage accessible les fondamentaux pour ralentir la propagation du virus: une bonne hygiène, qui commence par se laver soigneusement les mains en une bonne demi-minute, pas moins!
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