C’est le jour J. Après quelques premiers essais en Suisse alémanique la semaine dernière, la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19 a officiellement démarré ce lundi. Genève, Neuchâtel, Fribourg et le Valais se sont lancés dans la course, tandis que le conseiller fédéral Alain Berset inaugurait un centre de vaccination à Bâle. Le coup d’envoi d’une opération d’ampleur inédite, teintée de fédéralisme. Alors que quatre cantons ouvrent la voie, le Tessin et le Jura ne démarreront les premières injections que le 4 janvier; Berne, Vaud et les Grisons le 11 janvier.

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A Genève, où la vaccination est pour l’heure réservée aux personnes âgées de plus de 75 ans, la première dose du vaccin BioNTech de Pfizer a été administrée à Léon*, un ancien médecin âgé de 80 ans, sous l’œil attentif des caméras. Autonome et en bonne santé, ce résident d’un immeuble avec encadrement pour personnes âgées (IEPA) a dit «accomplir son devoir en montrant l’exemple». Au total, 15 des 43 locataires de la résidence gérée par l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) se sont également portés volontaires. Six d’entre eux ont été vaccinés lundi après la prise de température réglementaire. Ces prochains jours, les équipes de l’IMAD seront progressivement déployées pour vacciner à domicile et gratuitement cette population fragile. Le début d’un marathon qui s’étalera sur des mois.

Un signal déclencheur

Pour Sophie Bernard, porte-parole de l’IMAD, cette première expérience positive va faire office de signal déclencheur. «En arrivant dans l’IEPA, on a senti que certains aînés avaient besoin d’être rassurés, souligne-t-elle. Beaucoup de ceux qui hésitaient encore à se porter volontaires ont désormais changé d’avis. Ils ne veulent plus vivre avec la peur du virus et le poids de l’isolement.» Au-delà de la nécessaire adhésion populaire, l’opération de vaccination s’accompagne d’une minutieuse préparation.

De fait, le canton de Genève entre dans une phase test d’une semaine pour vérifier la fiabilité du dispositif et se familiariser avec les instructions transmises par l’OFSP. L’enjeu? Etablir des protocoles pour pouvoir ensuite déployer la vaccination à large échelle. Conditions de transport, étiquetage des boîtes, choix de l’aiguille, nombre de soignants ou encore type de désinfectant: administrer le vaccin de Pfizer, qui ne se conserve que cinq jours après réfrigération, représente un véritable défi logistique. «Juste avant d’administrer la dose, il faut par ailleurs rajouter du liquide NaCL 0,9% dans la fiole, précise la pharmacienne cantonale genevoise Nathalie Vernaz-Hegi. Une fois qu’on a reconstitué le vaccin, on ne peut plus le transporter.» Pour une efficacité complète, deux doses doivent être administrées à quatre semaines d’intervalle.

Pas de consentement écrit

Ces prochains jours, un courrier va être adressé aux quelque 40 000 personnes âgées de plus de 75 ans vivant à Genève. Dès le 4 janvier, les volontaires pourront prendre rendez-vous en ligne au centre de vaccination M3 Sanitrade. «Les vaccinations vont également démarrer en EMS dès la semaine prochaine», annonce Nathalie Vernaz-Hegi. Le pensionnaire doit-il donner son consentement par écrit? «Non, répond la pharmacienne. En cas de doute quant à sa volonté, les directions d’établissement feront intervenir le médecin traitant et la famille.» Quelles sont les contre-indications majeures? «Avoir eu une forte réaction à un médicament ou à un vaccin, ou encore avoir contracté le covid durant les trois derniers mois», indique Valérie Spielmann, responsable des pratiques professionnelles à l’IMAD.

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Plaidoyer pour le fédéralisme

En Suisse romande, tous les cantons n’avancent pas à la même vitesse. Si Genève a reçu 5000 doses de vaccin et en a précommandé 13 000, Neuchâtel n’en compte pour l’heure que 250 mais devrait en recevoir 1000 par semaine dès le début de janvier. Le premier vacciné neuchâtelois s’appelle Jean-François. Il est âgé de 73 ans. L’injection a été effectuée aux alentours de 13h dans un centre provisoire installé à Cernier. En tout, une quarantaine de personnes se sont fait vacciner durant l’après-midi. Un chiffre qui devrait monter à 200 d’ici à mercredi soir. «Ces volontaires ont été sélectionnés par les médecins traitants», relève le conseiller d’Etat neuchâtelois chargé de la Santé, Laurent Kurth, qui souligne que le dispositif sera développé ces prochaines semaines, avec l’ouverture d’autres centres et la mise sur pied d’équipes mobiles pour les vaccinations en EMS ou à domicile.

Du côté de Fribourg, les EMS, pensionnaires comme soignants, sont prioritaires. Les deux premières vaccinations ont été symboliquement faites ce lundi à une dame de 105 ans et à une jeune infirmière, dans un établissement de Cottens. «En tout, 92 de ses résidents et 40 membres du personnel ont été vaccinés, explique Claudia Lauper, codirectrice de la task force sanitaire fribourgeoise. L’opération se poursuivra cette semaine dans huit autres EMS.» Le canton, qui a reçu 3000 vaccins, ouvrira prochainement deux centres pour la population, à Fribourg et à Bulle.

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Egalement président de la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (Class), le Neuchâtelois Laurent Kurth défend cette approche fédéraliste: «Il s’agit de la plus grande campagne de vaccination de l’histoire de la Suisse. Même avec une logistique centralisée, nous n’arriverions pas à commencer partout au même moment. En quinze jours, l’ensemble des cantons auront débuté.» Le Neuchâtelois émet néanmoins une réticence: «Depuis l’annonce de la validation du vaccin par Swissmedic, il y a un peu une course à celui qui fera les annonces le premier, qui vaccinera le premier… Cela doit rester une opération de santé publique et non pas de communication politique.»

En tous les cas et quelles que soient les stratégies cantonales, «il faudra attendre la validation du vaccin de Moderna, fabriqué à Viège et stable durant trente jours, pour donner un vrai coup d’accélérateur à la campagne», estime Nathalie Vernaz-Hegi. «On espère que Swissmedic enregistrera le vaccin début janvier, c’est là que les pharmacies et les médecins privés pourront entrer en scène.» Un souhait réitéré par Alain Berset lors de son allocution à Bâle.

* Prénom d’emprunt