A Genève, même le plus obscur des débats peut donner lieu à une lutte sanglante entre partis. La composition de la Cour des comptes n'y coupe pas. Ce nouvel organe de contrôle des administrations publiques, que les citoyens avaient plébiscité l'an dernier, donnera lieu, le 24 septembre, à une élection non tacite de trois juges et trois suppléants. Car les partis n'ont pas réussi à se mettre d'accord, comme ils en avaient l'intention, sur une liste unique.

Ni star politique, ni socialiste

Au départ, les élus de tous bords affichaient leur bonne volonté. Les présidents des cinq partis représentés au Conseil d'Etat se sont réunis maintes fois pour s'entendre sur une liste technique. Objectif: éviter la politisation de la Cour des comptes. Il s'agissait de trouver des candidats compétents en matière de révision comptable et de contrôle des administrations publiques. En évitant de présenter des «stars politiques».

Négociations, débats et auditions de candidats ont débouché, le 7 juillet, sur une liste de six candidats. A droite: les libéraux Félix Laemmel et Myriam Nicolazzi, le radical Pierre-Alain Loosli et le PDC Stéphane Geiger. A gauche, les Verts proposaient Stanislas Zuin. Et les socialistes? Personne.

Consensus en miettes

Est-ce pour cette raison que le PS a finalement retourné sa veste, comme le révélait il y a quelques jours la Tribune de Genève? Car depuis hier, c'est officiel: les socialistes ont jeté aux orties la liste commune. Lundi soir, ils se sont réunis avec les Verts et la formation SolidaritéS pour élire les candidats de la gauche qui s'opposeront désormais à ceux de l'Entente bourgeoise. Les négociations sont encore en cours. Mais on sait déjà que le PS a enfin trouvé une candidate, en la personne d'Antoinette Stalder. SolidaritéS présentera Michel Ducommun et les Verts continuent à soutenir Stanislas Zuin.

La volte-face du PS tient à trois facteurs, selon la présidente Laurence Fehlmann Rielle: «La liste ne nous convenait plus car elle ne respectait pas l'équilibre politique, ni la parité hommes-femmes. De plus, le candidat PDC ne nous plaisait pas.»

Ces explications sont loin d'apaiser les partis de droite, agacés d'avoir perdu tant de temps pour rien. Le radical Hugues Hiltpold se déclare «déçu de l'attitude socialiste. Surtout que nous avions une belle opportunité de faire abstraction de nos clivages». Président ad interim des libéraux, Olivier Jornot lance: «Le PS ne pouvait pas s'attendre à ce que nous présentions des femmes de gauche!»

Menace de l'extrême gauche

Mais la vraie raison des errements du PS, selon certains analystes, réside dans la faiblesse de l'instance dirigeante, qui n'a pas su défendre la liste unique devant les organes du parti. Pour Olivier Jornot, «la présidente du PS s'est beaucoup avancée: elle a ensuite été sanctionnée par les organes du PS. Tétanisés par la formation SolidaritéS, qui menace sans cesse de les dépasser sur leur gauche, les socialistes ont fini par plier.»

Au sein du monde politique, certains saluent tout de même l'élargissement des candidatures à la Cour des comptes: pour le président des Verts, Antonio Hodgers, «le peuple aura ainsi un vrai choix». Une nouvelle configuration dont l'UDC et le Mouvement citoyens genevois comptent bien profiter: ils lanceront également leurs candidats.

Les partis ont jusqu'au 7 août, dernier délai de dépôt des listes, pour se déterminer.