Course contre la montre pour organiser le futur procès BCGE
Genève
Le président a été récusé et le procès interrompu. La justice est appelée à prendre ses responsabilités et faire juger cette affaire dans les meilleurs délais.
Le rideau est tombé sur une très mauvaise pièce judiciaire. Le procès des anciens dirigeants et réviseurs de la BCGE, désormais orphelin de président, a été officiellement interrompu mercredi. Pareille déconvenue suscite consternation et colère, surtout du côté de l’Etat de Genève.
Au nom du gouvernement, le ministre François Longchamp ne mâche pas ses mots à l’égard de la justice: «Il s’agit d’un dysfonctionnement supplémentaire d’importance dans une procédure qui a déjà duré trop longtemps et qui a coûté très cher.»
Le suspense se sera prolongé toute la matinée. Réuni en conclave pour la deuxième fois sur ce sujet, le plénum de la Cour de justice a entendu successivement le juge Jacques Delieutraz et son greffier. Les explications fournies ont visiblement convaincu l’assistance que le tirage au sort avait bien été influencé - par exemple en écartant des citoyens susceptibles de faire défaut - par un président soucieux de constituer un jury à tout prix.
Quelles que soient l’ampleur de la manipulation et l’intention de son auteur – celles-ci seront précisées dans une décision qui n’a pas encore été rédigée –, le plénum n’avait plus vraiment d’autre choix que de se résigner à récuser Jacques Delieutraz. Le Tribunal fédéral a été clair: toute orientation du tirage au sort pourrait créer une apparence de suspicion à l’égard du magistrat concerné.
La récusation du président entraîne l’annulation de tous les actes que ce dernier a entrepris durant le procès. En d’autres termes, tout sera à refaire dans la plus monumentale affaire pénale qu’ait connue la République et dont les enjeux financiers, quelque 2,3 milliards, battent aussi des records. Sans compter les réparations que compte déjà demander la défense à l’Etat pour les frais engagés durant ces trois semaines d’audience annulées en raison des errements illicites d’un juge.
Un Etat très mécontent qui s’est fendu d’un communiqué de presse cinglant: «Le gouvernement exprime sa grande préoccupation face aux événements qui ont conduit à l’interruption du procès, imputables au pouvoir judiciaire à divers titres.» Non sans souligner la nécessité que tout soit mis en œuvre afin que ce procès reprenne à brève échéance.
François Longchamp justifie la teneur assez sèche de cette remise à l’ordre. «Les mots sont à la hauteur des enjeux, relève le président du gouvernement. Nous mettons aujourd’hui la justice face à ses responsabilités. Pour rester crédible, celle-ci doit juger cette affaire.»
L’organisation d’un nouveau procès s’annonce complexe. En trouvant vite un président qui n’est pas récusable (beaucoup de juges ont siégé lors de la procédure ou ont des liens avec des parties de l’affaire), il serait concevable de tirer au sort un nouveau jury et d’ouvrir le procès d’ici la fin de l’année, avant de suspendre les débats pour laisser le temps à la Cour de prendre connaissance de ce volumineux dossier.
Cette solution a l’avantage de conserver la participation du jury. Une requête en ce sens a d’ailleurs été faite par la défense qui demande à la Cour de justice de procéder rapidement.
Si l’ouverture du procès se fait après le 1er janvier, le dossier passera fatalement – grande réforme de la justice oblige – aux mains du futur Tribunal pénal de première instance avec ses seuls juges professionnels. Une juridiction de rang inférieur, jeune, en pleine organisation et déjà surchargée. Or, la prescription pour le volet le plus ancien de l’acte d’accusation BCGE sera atteinte cet automne.