Presque dix ans après l’Euro 2008, la question des coûts de sécurité d’une grande manifestation sportive se pose à nouveau. Une première étape se joue ce vendredi pour les cinq cantons (Valais, Vaud, Berne, Fribourg et les Grisons) qui ambitionnent d’accueillir les Jeux olympiques d’hiver en 2026.

La Conférence nationale des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP) aborde à Genève le sujet brûlant de la sécurité de la manifestation et de ses coûts. Elle doit émettre une recommandation à l’intention de la Conférence des gouvernements cantonaux (CDC) qui en débattra elle-même en mars prochain.

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Aucun engagement refusé en onze ans

Deux questions seront posées aux ministres de Justice et police vendredi. La première est formulée ainsi: êtes-vous d’accord de maîtriser Sion 2026 selon le processus ordinaire? Autrement dit, les conseillers d’Etat devront dire s’ils sont prêts à actionner la Convention sur les engagements de police intercantonaux (IKAPOL) qui régit le prêt de policiers dès qu’un canton ne peut assumer un événement avec ses propres forces ou celles de ses partenaires proches.

Dans un tel cas de figure, la procédure est très précise. Un groupe de travail technique évalue les besoins en policiers pour couvrir la manifestation. Puis un organe politique invite les cantons à mettre à disposition le nombre d’agents requis. Dans l’histoire de la convention IKAPOL – signée il y a onze ans – jamais les cantons n’ont décliné une telle invitation. Pour les jeux d’hiver aussi, la solidarité intercantonale semble assurée.

Le Valais espère un geste

Mais la deuxième question est nettement plus sensible: comment les cantons comptent-ils couvrir les frais d’engagement des policiers qui seraient mobilisés durant la quinzaine olympique? Le budget actuel de Sion 2026 prévoit une facture totale de 303 millions de francs pour la sécurité, dont 174 millions à la charge des cantons.

En tant qu’hôte de la majeure partie des installations et compétitions olympiques, le Valais joue gros: chaque policier mis à disposition dans le cadre de la Convention IKAPOL est indemnisé jusqu’à 600 francs par jour, 200 francs en cas de piquet. Et la facture est envoyée au canton dans lequel les agents doivent intervenir. Le gouvernement valaisan espère donc aujourd’hui un geste des autres confédérés.

Il se réfère à l’Euro 2008 de football, dernière grande manifestation sportive accueillie en Suisse. Les cantons avaient mis leur force de police gratuitement à disposition des régions hôtes de Bâle, Berne, Genève et Zurich. Mais l’Euro 2008 n’est pas comparable à Sion 2026. «Le Valais a meilleur temps d’intégrer ces coûts dans son budget», glisse un observateur avisé du dossier.

Coûts de sécurité six fois supérieurs

Lorsqu’en octobre 2005 les gouvernements cantonaux s’étaient déclarés prêts à engager gratuitement leurs policiers en faveur de l’Euro 2008, ils n’avaient pas invoqué la beauté du sport, mais l’argument des coûts, considérés comme supportables pour les collectivités publiques. Les frais du personnel engagé pour la compétition de football dans le cadre de la convention IKAPOL se montaient à 28,7 millions de francs au budget. La facture était donc six fois moins salée que celle présentée aujourd’hui aux cantons pour Sion 2026.

La menace a changé

La lecture du concept national de sécurité élaboré dans la perspective de l’Euro 2008 de football montre aussi à quel point la situation sécuritaire a changé en dix ans. Les menaces d’alors? Le concept national évoquait certes les risques d’attentats, présents lors de toute manifestation d’envergure. Mais il mettait surtout l’accent, en Suisse, sur une «thématisation» de l’Euro par la scène d’extrême gauche. «On peut s’attendre à des manifestations», prévenait-il.

Il identifiait aussi une menace dans les rangs de l’extrême droite, qui «pourrait prendre prétexte de l’Euro 2008 pour attiser la xénophobie». Des évocations qui paraissent loin de la réalité actuelle, alors que la menace terroriste s’est concrétisée en Europe de la manière la plus brutale. Les cantons sont devenus prudents. Et «rien ne nous incite à penser que la menace terroriste aura diminué d’ici neuf ans», affirmait récemment Pierre Maudet, le président de la Conférence latine des chefs de justice et police sur les ondes de la RTS.

Les policiers exigent un minimum de confort

La situation des policiers a également évolué depuis l’Euro 2008. L’histoire est ironique. C’est précisément suite à la compétition de football que la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP) a établi une liste de standards minimaux pour les engagements d’agents hors de leur canton.

Elle a en effet constaté que les policiers allemands, appelés à la rescousse en Suisse lors de l’Euro 2008, étaient arrivés avec des directives très claires en termes de conditions de travail. «Les Allemands ont le droit de refuser une intervention si ces exigences ne sont pas remplies», explique Max Hofmann, secrétaire général de la FSFP. Sans aller jusque-là, la faîtière compte profiter de Sion 2026 pour relancer le débat au niveau politique.

De récents engagements IKAPOL se sont mal passés, surtout en Suisse romande, dénonce-t-elle. En janvier, 300 policiers mobilisés à Genève lors des pourparlers de Chypre ont dû dormir pour partie en abri PC sans eau chaude. Environ cent ont souffert d’une intoxication alimentaire. Echaudée, la FSFP fait désormais pression sur les cantons pour ne pas accepter des engagements dans d’autres régions à n’importe quel prix. Un chèque en blanc dans le cadre de Sion 2026 serait ainsi peu apprécié.

L’aspect politique

Même si la Conférence des gouvernements cantonaux, en mars prochain, invite les cantons à faire un geste envers les régions hôtes de Sion 2026, ce sont au final les gouvernements – voire les parlements selon les montants impliqués – qui prendront la décision de facturer ou non l’envoi de leurs policiers à la manifestation. Avec la promesse de chaudes controverses: le débat public a montré jusqu’ici un scepticisme politique fort envers les Jeux olympiques.

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