La Patrouille suisse se remettra-t-elle de la collision qui s’est produite jeudi à Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas? La question se pose après cet accident, qui n’a pas fait de victime. Deux unités de l’escadrille rouge à croix blanche se sont «touchées» en plein vol à 16h15, alors qu’ils s’entraînaient en vue des Netherlands Airforce Open Days de ce week-end, a expliqué jeudi soir le commandant des Forces aériennes, Aldo Schellenberg.

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Les deux jets étaient en phase de regroupement arrière lorsqu’ils se sont percutés sur le côté, alors que deux autres appareils faisaient de la voltige en solo. L’un des pilotes a réussi à s’éjecter et a été blessé après avoir atterri dans une serre. Il s’est fracturé le pied. Quant à son appareil, il s’est écrasé près d’un étang. L’autre pilote est parvenu à faire atterrir son appareil après avoir testé ses réactions en l’air pendant une vingtaine de minutes, précise Aldo Schellenberg. Les deux hommes sont expérimentés. L’un compte 1250 heures de vol et l’autre 2000 heures.

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La justice militaire a ouvert une enquête. Une délégation suisse se rend aux Pays-Bas ce vendredi. Le pilote blessé est dans un état «globalement bon. Il est toujours à l'hôpital», a précisé à l'ATS une responsable de la communication des Forces aériennes suisses, sans être en mesure de préciser quand il pourra rentrer en terres helvétiques.

Une care-team, chargée de prendre en charge des pilotes impliqués et de leurs proches, s'est envolée vendredi matin avec la délégation suisse pour les Pays-Bas. D'autres spécialistes sont du voyage comme une équipe de la justice militaire, des experts de la sécurité des Forces aériennes suisses, des experts en accidents aériens, ainsi qu'une équipe médicale.

Engagements de la Patrouille suspendus

La question de savoir si le pilote – qui avait à son actif plus de 1000 vols – pourra reprendre du service au sein de la Patrouille dépendra des conclusions de l'enquête. A titre de comparaison, le pilote du F/A-18 qui s'était écrasé en octobre dernier dans le département du Doubs (France) avait «relativement rapidement pu remonter dans son avion», a souligné la collaboratrice des Forces aériennes.

La participation de la Patrouille suisse au meeting de Leeuwarden a été annulée. Rien n’est en revanche décidé pour les engagements suivants. Les F-5 de l’escadrille acrobatique sont attendus la semaine prochaine à Meiringen à l’occasion des 75 ans de la place d’aviation de l’Oberland bernois. «Quant à la poursuite du programme des présentations 2016 de la Patrouille Suisse, la décision sera prise d’ici à mercredi prochain», précise le DDPS. Des entraînements sont ensuite agendés à Payerne et Bellechasse en vue du Royal International Air Tattoo (RIAT) qui se déroule du 7 au 11 juillet à Fairford, en Angleterre.

Que faire sans Gripen?

Cet accident, le premier de l’histoire de la Patrouille suisse fondée en 1964, aura peut-être des conséquences pour l’unité. Son existence avait été remise en question par Ueli Maurer, alors ministre de la Défense, avant le vote sur le Gripen. Face au tollé provoqué par cette annonce, il avait dû faire machine arrière.

Mais le refus populaire d’acheter le jet suédois pour remplacer les vieux Tiger n’a rien résolu. Les 53 F-5 restants, dont seuls 26 sont en état de vol permanent, prennent de l’âge. Aucune décision sur un nouvel achat ne sera prise avant 2018. Et les 31 F/A-18 – trois ont été détruits en 1998, en 2013 et en 2015 – peuvent difficilement prendre le relais des Tiger pour former une nouvelle patrouille de gala.

Chancelier autrichien inquiet

L’accident de jeudi repose la question de la sécurité. Il y a tout juste une semaine, la formation avait fait une démonstration à Pollegio (TI), sans le cadre de l’inauguration du tunnel du Gothard. Le spectacle a débuté alors que François Hollande et Angela Merkel s’apprêtaient à monter dans le train spécial qui les ramenait à Zurich. A cette occasion, le chancelier autrichien Christian Kern a demandé à voix haute si cette spectaculaire prestation était sûre.

Le show est en effet impressionnant. «Contrairement à de nombreuses formations de voltige aérienne, la Patrouille suisse vole avec un avion de combat, le F-5 Tiger, dont la vitesse est considérablement plus grande que celle d’un avion d’entraînement», rappelle la brochure de présentation du détachement. «Le vol en formation est un travail manuel: il faut beaucoup de concentration et de précision pour voler à une distance de 3 à 5 mètres. Les pilotes volent à vue et maintiennent une telle distance sans l’aide de moyens technologiques», est-il encore précisé.

Or, ce type de spectacle commence à susciter la controverse. Les villes de Zurich, par souci de protection de l’environnement, et de Lucerne, à la suite du crash d’un F/A-18 biplace à Alpnachstad en 2013, ont annulé la participation de la formation aérienne à certaines manifestations, relève Blick.

Sans lien avec la Patrouille suisse, les Forces aériennes ont par ailleurs annoncé que, jeudi également, un drone a dû être ramené au sol à l’aide d’un parachute à Emmen en raison d’un problème technique.