Rarement, le parlement fédéral a institué une commission d’enquête parlementaire (CEP). Mais la débâcle de Credit Suisse, rachetée en urgence par UBS, risque bien de lui faire franchir le pas et d’utiliser son «arme» la plus puissante. Ce lundi, le Bureau du Conseil national a décidé, à l’unanimité, de proposer la création d’une CEP. L’impulsion semble venue des chefs des groupes socialiste et UDC, Roger Nordmann (VD) et Thomas Aeschi (ZG).

Si le Bureau du Conseil des Etats confirme, la cinquième commission d’enquête parlementaire de l’histoire pourra s’ouvrir. Comprenant entre autres le président et les vice-présidents de la Chambre, ainsi que les chefs des groupes parlementaires. Le Bureau du National indique dans un communiqué qu’il souhaite «établir les responsabilités des autorités et organes concernant la reprise du Credit Suisse par l’UBS». La réglementation serait également passée au crible.

Lire aussi: Credit Suisse: le département de Karin Keller-Sutter ferme la porte à la transparence

«Très grave»

«Ce qui s’est passé est très grave. Des lois ont dû être conçues expressément pour ce cas, et la législation en vigueur devant protéger les banques d’importance systémique n’a absolument pas marché», condamne Thomas Aeschi. «Les autorités n’ont pas réussi à éviter la catastrophe. La Finma a totalement échoué. Elle n’est pas intervenue comme elle l’aurait dû.»

Lire aussi: Après Credit Suisse, l’image des banques en question

Une fois n’est pas coutume, le responsable des élus fédéraux de l’UDC conservatrice s’accorde avec son homologue socialiste. «Cette commission d’enquête parlementaire portera sur l’action des autorités et la législation sur les banques d’importance systémique», confirme Roger Nordmann. «C’est une question de dignité du pays. Cela m’étonnerait que le Conseil des Etats refuse. S’il le faisait, ce serait peu glorieux.»

Unité politique, jusqu’à quand?

Depuis la crise et la fusion-rachat il y a un peu plus d’une semaine, en plein week-end, les partis politiques font montre d’une certaine unité de vues sur le diagnostic à chaud. La gestion des risques de Credit Suisse et l’échec de ses dirigeants aux salaires et bonus extrêmement élevés subissent le courroux de toutes les formations, de gauche à droite. L’année électorale augmente probablement la volonté d’occuper le terrain politique et médiatique, et de ne pas être perçu par la population comme trop proche des grandes banques.

Lire aussi: Credit Suisse: une expropriation matérielle susceptible de coûter des milliards à la Confédération?

Les divergences entre partis pourraient néanmoins rapidement refaire surface. Par exemple à propos de l’ordre du jour de la session parlementaire extraordinaire, fixée du 11 au 13 avril prochains. Le chef du groupe parlementaire socialiste Roger Nordmann s’agace de l’attitude de ses confrères bourgeois. «Le Bureau du Conseil national refuse de traiter nos motions déposées en 2021, alors que nous arrivons à la fin du délai de deux ans.» Le Vaudois fait référence à quatre textes, dont deux soumis par sa collègue conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo (LU). L’un veut interdire les bonus pour les dirigeants des banques d’importance systémique. L’autre veut contraindre ces instituts de posséder au moins 15% de fonds propres non pondérés.

«Visiblement, cela ferait trop mal au ventre aux bourgeois d’approuver ces motions, même s’ils savent qu’ils n’ont guère le choix après le fiasco Credit Suisse. Ils ne veulent pas s’écarter des instructions des banques. Je vais demander par motion d’ordre de les mettre sur la table lors de cette session extraordinaire.» Et de rajouter un tacle: «C’est reparti comme en 2008, après la crise financière. Les bourgeois veulent éviter de prendre une décision. Ils ont tous fait de grandes déclarations et rétropédalent déjà.»

A l’autre extrémité du spectre politique, Thomas Aeschi dément toute intention de se défiler. «Nous n’avons pas peur de voter sur les quatre motions socialistes. Mais cette session extraordinaire ne peut pas être dédiée aux anciennes motions déjà déposées des groupes parlementaires. Si chacun vient avec une série d’interventions, nous n’aurons plus le temps de discuter des propositions du Conseil fédéral et des commissions.»