Crise
Le Conseil fédéral va probablement prolonger la durée de la fermeture des établissements publics. La branche exige une compensation financière qui aille au-delà des indemnités pour «cas de rigueur»

«Les restaurants ne sont pas tous des cas de rigueur!» Le président de GastroSuisse, Casimir Platzer, est de plus en plus remonté contre le Conseil fédéral et les gouvernementaux cantonaux. A la veille d’une probable décision de prolongation de la fermeture des établissements publics jusqu’en février, il lance un cri d’alarme.
La Confédération et les cantons sont en train d’examiner l’assouplissement des critères donnant accès aux aides pour les cas de rigueur, par exemple l’exigence d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 40%. Ces mesures lui paraissent toutefois insuffisantes. Pour qu’elles parviennent à leurs destinataires dans le besoin, elles nécessitent une coordination entre la Confédération et les cantons, qui les cofinancent. Or, si cela fonctionne bien dans certains cantons, ce n’est pas le cas dans d’autres.
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«Les chiffres ne diminuent pas vraiment»
«Ces soutiens ont été prévus pour les entreprises qui accusent un gros recul de leur chiffre d’affaires pendant les onze derniers mois, pas pour celles qui sont empêchées de travailler parce qu’on a exigé qu’elles ferment leurs portes. On mélange des pommes avec des poires», s’emporte Casimir Platzer. Il souligne que, grâce aux plans de protection, il y aurait moins de cas d’infections dans les restaurants que dans le cercle privé et fait remarquer que «les chiffres ne diminuent pas vraiment depuis qu’on les a fermés».
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Ce printemps, le dispositif mis en place dans le cadre de la «situation extraordinaire» au sens de la loi sur les épidémies reposait sur plusieurs piliers: prêts Covid-19 remboursables, indemnités de chômage partiel pour le personnel soumis à une réduction du temps de travail (RHT), allocations pour perte de gain (APG). Certes, des restaurateurs ont eu recours aux prêts Covid-19. Mais, comme ils devront les rembourser, ils ne souhaitent pas s’endetter davantage, prévient Casimir Platzer.
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La fin des exceptions?
Il réclame une indemnisation à fonds perdu des exploitants de restaurants, bars, cinémas, centres de fitness qui n’ont plus le droit d’accueillir des clients jusqu’au 22 janvier. Cette mesure lui paraît d’autant plus justifiée que le Conseil fédéral va vraisemblablement décider ce mercredi de prolonger cette interdiction d’exploitation de plusieurs semaines.
Il pourrait ne plus autoriser d’exceptions dans les cantons où le taux de reproduction du virus est inférieur à 0,9 (1,0 jusqu’au 5 janvier). Le 18 décembre, lorsqu’il a décidé de fermer les restaurants, il avait admis de telles exceptions. Ceux des cantons de Vaud, Fribourg, Valais et Neuchâtel ont ainsi pu rester ouverts jusqu’au 26 décembre. Mais ce jeu de yoyo lasse les exploitants.
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«Le Conseil fédéral doit assumer ses responsabilités plutôt que se cacher derrière les cantons et des articles de loi. Qui commande paie et qui paie commande. En fermant les restaurants, il copie ce qui se fait en Autriche et en Allemagne. Mais ces deux pays ont accordé des compensations financières à fonds perdu aux entreprises à qui ils interdisent de travailler. La Confédération doit faire la même chose», exige-t-il.
Lettre ouverte d’un restaurateur
C’est aussi l’avis de l’antenne vaudoise, GastroVaud. «Si l’Etat ferme l’entier d’un secteur économique, il doit alors dédommager l’entier de ce secteur aussi. Ce n’est que justice», souligne-t-elle. L’un des plus importants propriétaires de restaurants italiens, Rudi Bindella, qui possède 40 établissements en Suisse et emploie plus de 1000 personnes, s’est pour sa part fendu d’une lettre ouverte au Conseil fédéral. Sur une pleine page, lui et son fils Rudi Jr exhortent le gouvernement à verser des compensations pour les «dommages considérables» occasionnés à la branche durant la fermeture des établissements, qui aura duré trois mois en 2020.
Les revendications de ce secteur durement touché par les mesures sanitaires coûteraient plusieurs centaines de millions de francs à la Confédération. Cette somme s’ajouterait aux 2,5 milliards prévus pour les cas de rigueur, un montant que la Confédération (1,9 milliard) et les cantons (600 millions) se partagent. Elles semblent avoir peu de chances de succès. Toutefois, les cantons et l’administration fédérale étudient d’autres possibilités de soutien.