Impôts
Directrice d'economiesuisse pour la Suisse romande, Cristina Gaggini admet que «la tendance n'est pas très bonne» pour les partisans de la RIE III. La complexité du projet y est pour beaucoup, estime-t-elle

Gros malaise dans les milieux patronaux. A dix jours du vote sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III), le dernier sondage de l’institut gfs.bern confirme le sentiment général: la tendance est clairement négative. Partisans et adversaires de la réforme sont désormais au coude-à-coude dans les intentions de vote, après une progression spectaculaire du camp du «non» (+9%) dans les dernières semaines. Directrice d’economiesuisse pour la Suisse romande, Cristina Gaggini se défend d’avoir raté la campagne.
Le Temps: Le dernier sondage ne fait pas de mystère: à dix jours du scrutin, les affaires s’annoncent compliquées pour les partisans de la RIE III…
Cristina Gaggini: On savait depuis longtemps que le résultat serait très serré, comme il l’a été dans le passé sur la deuxième réforme de l’imposition des entreprises. C’est aussi un sujet perçu comme très complexe par les citoyens, avec un gros défi de simplification et d’explication. Les résultats du sondage ne sont donc pas une vraie surprise. Mais il est vrai que la tendance n’est pas très bonne. Les prises de position récentes d’Eveline Widmer-Schlumpf et de Christian Wanner [l’ancienne conseillère fédérale PBD et l’ancien président PLR de la Conférence des directeurs cantonaux des finances, qui ont émis de sérieux doutes sur le caractère équilibré de la réforme] ont certainement joué un rôle important. On remarque ainsi que la classe moyenne se montre très réceptive à l’argument de la gauche selon laquelle la RIE III provoquerait des hausses d’impôts pour les gens, ce qui est faux.
– Vous avez brandi 194 000 emplois menacés et 34 milliards de pertes pour le PIB en cas de non. N’avez-vous pas raté votre campagne en déclinant un message catastrophiste, reproduisant par-là les erreurs commises lors des votes sur l’immigration de masse ou l’initiative Minder?
– Ces chiffres sont ceux d’une étude de l’institut BakBasel, pas ceux de notre campagne. Nous, nous avons parlé des 150 000 emplois qui dépendent des 24 000 sociétés à statut. Ce sont des faits. Nous avons donc simplement essayé d’expliquer que conserver ces emplois est un enjeu majeur. Nous n’avons pas fait de catastrophisme, au contraire! Nous avons fait attention à ne pas agiter les peurs, nous n’avons pas brandi la menace de délocalisations, nous avons plutôt souligné les aspects positifs de cette réforme et des réformes précédentes.
– Après le 9 février, economiesuisse s’est rendu compte que son message passait mal dans la population. Vous avez donc multiplié les opérations de séduction, visant à aller à la rencontre des gens. De toute évidence, les milieux économiques continuent à inspirer de la méfiance…
– Nous ferons un exercice d’autocritique après la campagne, mais je ne vois pas les choses comme cela. La RIE III est un sujet complexe, dans lequel la confiance dans les autorités, au sens large, joue un rôle majeur. Ce qui joue en notre défaveur, c’est la polémique alimentée par les opposants sur le fait que la RIE II aurait engendré de grosses pertes fiscales. Et que la RIE III se fera sur le dos des citoyens. C’est faux, nous l’avons démontré, mais il est difficile d’invalider une idée qui a fait tant de chemin.
– Avant-hier l’initiative Minder, hier le 9 février, aujourd’hui la RIE III: les milieux économiques pourraient-ils se remettre d’une nouvelle défaite?
– Ce serait surtout une très mauvaise nouvelle en soi, une immense perte de temps, la prolongation de l’incertitude pour toute l’économie. Au-delà, il y aurait une remise en question plus générale à faire. La RIE III est un projet gouvernemental, porté par une majorité politique et les milieux économiques. En cas d’échec, nous devrons collectivement nous demander ce que nous n’avons pas vu venir. Mais nous n’en sommes pas là: la mobilisation continue, portée par les partis alliés, les milieux économiques, les ministres des Finances et les patrons, qui doivent être les vrais ambassadeurs de la réforme.
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