Le débat Blocher-Deiss attire la grande foule à Lausanne
Répondant à l'invitation de «L'Hebdo», les deux orateurs ont confronté leurs positions en vue de la votation du 3 mars
Les partisans de l'adhésion de la Suisse à l'ONU le savent bien: même si Christoph Blocher est défait le 3 mars, il n'aura pas mené campagne pour rien. Son passage à Lausanne mercredi soir, où il a affronté Joseph Deiss, en est une bonne illustration. Jamais, de mémoire de journaliste, un débat politique n'avait attiré autant de monde: deux cent cinquante à trois cents personnes dans la salle – et peut-être autant retenues à l'extérieur. Pour qui sont-ils venus? Poser la question, c'est y répondre. Christoph Blocher attire les foules – en Suisse romande aussi, c'est nouveau. Le tribun zurichois n'attire pas uniquement, d'ailleurs, des admirateurs: une demi-douzaine de trouble-fêtes a cherché, sans beaucoup de conviction et finalement sans grand succès, à lui couper la parole. Le débat a démarré dans l'émotion: salle comble, applaudissements intempestifs, cris. Les conditions d'un véritable meeting politique, sanguin, étaient réunies, mais le naturel a vite repris le dessus. Au bout du compte, après un échange sans surprise, les deux orateurs sont restés très proches à l'applaudimètre. Avec un petit avantage peut-être pour le Zurichois, capable de mettre les rieurs de son côté, même lorsqu'il s'exprime dans son français approximatif. Sur la question centrale de la neutralité, le débat n'a pas permis aux deux hommes de rapprocher leurs positions. Le conseiller fédéral maintient, le doigt pointé sur le texte de la charte de l'ONU, qu'entrer dans l'ONU ne viole en rien la neutralité helvétique. Christoph Blocher affirme, lui aussi en référence à la charte de l'ONU, en particulier aux articles 41 à 43, le contraire. Les sanctions économiques contre l'Irak sont, dit-il, un avant-goût de ce qui attend la Suisse à l'avenir. En suivant l'ONU sur ce point, «nous aussi sommes responsables des morts parmi la population irakienne», affirme-t-il. Réponse de Joseph Deiss: «En disant cela, vous prenez parti pour Saddam Hussein.» «Ce sont des bêtises, faites attention», lui rétorque le Zurichois. Mais l'échange en restera là. Face aux arguments rationnels et froids du ministre des Affaires étrangères, Christoph Blocher passe la soirée à s'empêtrer dans un français qui l'empêche de porter l'estocade lorsque son adversaire vacille.